Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 21:38
  sentier d'ecriture Jolimont5


Jolimont, joli nom pour une balade d’écriture. Descente verticale vers la gare ; avant les Champs Elysées, la  rue Taupin : Résonance d’enfance.  Repas dominicaux obligatoires. L’enfant assiste impuissant aux humiliations de la mère par la bonne maman sorcière aux seins felliniens.

Il reste silencieux, les yeux fixés sur les tripes et cervelles gisant sur le papier journal étalé sur la table de la cuisine. : la sorcière est de retour du marché Victor Hugo ; elle a eu  son salaire en  nature de chair et de triperie. Il ne mangera pas cette fois –ci non plus et s’attirera les foudres des deux femmes, réconciliées contre lui.    

Plus bas, La Tour d’argent, bureaux SENECEFE, joli nom pour tant de froideur administrative, deux matelas  en plein air, inondés rappellent que la gare n’est plus un refuge pour dormir au chaud.

Trouverai-je  un peu de  chaleur dans  la salle des pas perdus ?Des cris d’enfants rejaillissent, bruissements de journaux tournés, retournés, finalement froissés. «  Nous vous rappelons qu’il est interdit de fumer dans l’enceinte de la gare » la voix surgit d’en haut : « c’est Dieu ? » demande l’enfant. Je ne savais pas que Dieu était une femme.

Dieu reparle, protecteur : "Mesdames, messieurs, n’empruntez pas les voies".

J’aimerais emprunter ta voix,  me sentir gaie, sûre comme tu l’es souvent. Ti ,Tam, tam, ti tam ! Dieu est toujours là.  

Croisé des silhouettes filantes aux oreilles à fil. Est ce que la musique est bonne ?

 Ballets de bagages, bagues échangées, couple en partance, couple en errance. Fini le ballast et  les histoires filantes ferroviaires.

M’amuser ce dimanche  avec les mots, m’amuser de ma langue. Viendra t-elle sous un jour joyeux, faire la nique au sérieux, chasser le triste, rire aux larmes.

Cache cache  aux  Carmes-Crame.

Noirceur et légèreté de la voûte de la Voie Lactée. Sous  le feu, les 6000 feuilles ont gardé leur mystère. Solides, pétrifiées, et secrètes à l’œil qui passe dessous.  

Soulage- ment. Soulagement : le noir te va si bien. Qu’importe la faconde, pourvu qu’on ait l’ivresse.

 

Bord de Garonne.

Bande d’herbe, gazon encore vert, du vert dur de l’hiver qui s’offre aux amoureux marcheurs du bord de l’eau.

Approche, approche, tu vas voir mon trouble. Je suis  trop fréquentée depuis longtemps, métaux lourds et objets flottants souillent mon lit.

Halte aux Beaux Arts. L’autre jour, un tout jeune homme me conte  timidement son aventure : de maçon, il est devenu artiste. S’accrochant à la façade, les yeux rivés sur les  joints des  briques, il en a oublié son vertige et il riait à la pensée qu’il est devenu indispensable  à l’avenir de l’ouvrage.

Les ponts sont faits pour être passés. Passer le pont sans carillon, est ce bon ? Hôtel Dieu. Dôme, domination.  Les mouettes jouent les vigies sous le vent et les cormorans  jouent au morpion sur les  balises.

Qui  entend le bruissement d’ailes des cormorans, oiseaux noirs scrutant l’horizon ?
Qui pour se souvenir  des pestiférés,  arrêtés à l’entrée de la ville. Isolement, quarantaine, mise à l’écart dans le lazaret.

Qui pour reconstruire l’histoire des  enfants déposés au « tour » dans le   silence de leur origine.

Silence résonnant dans la grande salle des portraits où la jeune fille invite au don de soi pour les pauvres.

Nous ne nous promènerons plus au bord de Garonne.

Nous ne ferons plus s’envoler les hérons et crier les mouettes.

Nous ne devinerons plus le nom des arbres qui s’embrassent dans la cour (tilleul) de la roseraie.

Nous n’irons plus voir le fleuve en colère, dégueulant ses eaux sous le Pont Neuf.

Il me faut une aile d’ange ou un sourire d’enfant, des idées noires  me prennent d’assaut dès que j’arrête mes pas.

MC Solex (Marie-claude)

Je me contenterai du piaillement de trois dames en quête de beau et d’artistiques balades.  

 

ecriture-detailj8-copie.jpg
Marie-Claude Ricurt

Partager cet article
Repost0
23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 09:43
 sentier d'ecriture Jolimont13

 

 

Gérald se dirigeait vers le Mont  Joli, ses pieds dansaient sur le bitume  toulousain. Il courait sur l’inégal pavé des rues. Il  avait donné rendez-vous à Faustine à la gare pour prendre avec elle ce train de 10 h 43.

Il avait choisi d’aller vers elle, à pied, pour respirer une dernière fois l’air de cette ville qu’il avait si longtemps respiré, qui l’avait si longtemps oxygéné, étouffé, asphyxié, le tout à la fois, depuis tant d’années. Chaque pas qu’il construisait vers elle, se voulait effacement d’un parcours ancien, progressive et lente destruction du passé. Il avance, en même temps il recule exactement de la même foulée, il gomme, il abolit son vécu devenu dentelle invisible qui craque, disparaît dans la transparence automnale.

Oui, je cours vers toi.

 

Mais qu’ai-je jamais fait d’autre que d’aller vers toi, d’essayer de te rejoindre dans le désespoir ou les larmes de joie ? Qu’ai-je fait d’autre que de ne jamais réussir à t’atteindre ? Qu’ai-je fait d’autre que de me pencher très bas par-dessus le parapet des jours et du temps, attendant cette improbable aurore qui ne se levait pas ? Qu’ai-je jamais fait d’autre que de tenter de traverser ce pont coupé, défiant la force du vent et des bourrasques intérieures ? D’essayer de faire coïncider l’Amour rêvé, l’Amour à vivre, l’Amour révolu ?

Ce matin, tu m’attends.

Oui, Faustine l’attendait déjà dans cette salle où les pas se perdent, mais les siens ne la perdraient plus.

« Fille perdue », lui avait jadis lancé sa mère. Perdue, mère, qu’en sais-tu ? Oui, je pars et me perds, je serai perdue dans quelques heures. Je suis déjà perdue, puisque je suis ici. Perdue ou retrouvée ? J’entends déjà ma vie.

Faustine avait vécu, connu des fulgurances, des certitudes, suivi bien des itinérances. Ce matin, à 10 h 15, elle était là, le cœur neuf et sans cicatrices.

Venue à pied, elle aussi avait marché lentement. Une rue lui offrit sur des balcons et des façades décorées, des personnages venus du pays des légendes, qui grimpaient, escaladaient des marches invisibles, encombrés d’objets étrangement hétéroclites. Sans qu’elle s’y attendît, lui avaient été soudainement redonnés les Carnavals de son enfance, les Hallowens de son village. Sorcières aux longs cheveux, grimaçantes, ridées, ricanant, génies débonnaires et souriants, de multiples fleurs, bizarres, éclatantes de couleur.                                                       Saynètes incompréhensibles et surprenantes. Théâtre d’imaginaires mises en scène, drolatiques, caricaturales et poétiques. Le souvenir fugitif lui était revenu des fêtes, des anniversaires, des rires, des courses-poursuites dans les couloirs et les jardins de son enfance, des folles cavalcades craquantes de plaisir et d’insouciance. Baroque d’une rue. Baroque de l’enfance.

Gérald, lui, poursuivait son espace, palpait cette ville inhabituellement silencieuse.            Il marche, il écoute, il regarde, il fouille le secret des façades muettes de ces maisons d’où ne se faufile aucun secret, façades indéchiffrables, repliées sur leur ennui ou leur bonheur.  Quelques plantes  vertes ou fleuries pendent aux fenêtres, à différents étages, essaient désespérément de crier à l’aide, en attendant que s’efface le jour pour que renaisse un autre matin moins immobile.

Plantes emprisonnées, exilées comme tu l’étais

                           Plantes naufragées comme tu l’étais

                           Fleurs bientôt flétries, bientôt à terre, comme toi tu ne le seras pas.

Il ne put s’empêcher de faire un détour, pour saluer la Garonne. Il vit  l’eau frémir, palpiter en d’insaisissables traces moirées qui, effleurées, dans cette matinale brise légère, glissaient doucement en mouvements concentriques. Les arches du pont s’offraient à lui, reflétées dans l’eau en cercles parfaits, immatériels, impalpables, et pourtant si nettement dessinés, si lisibles dans les claires profondeurs du fleuve, dans une lumière qui en frissonnait de langueur.

La beauté solide et visible des six ou sept arches en pierre n’était rien, au regard  de la fluide fragilité mouvante des demi-sphères reflétées, ainsi sculptées dans l’eau. La Garonne scintille pour toi.

Pont troué, pont tronqué,

Ma vie, elle,  ne sera plus tronquée.

Justine, dans la gare, pour tromper son impatience regardait autour d’elle. Tous s’accommodaient calmement de ces quelques minutes, de ces quelques heures de répit, répit entre deux villes, entre deux trains, entre deux amours. Tous évoluaient lentement dans un presque silence. Des mouvements calculés, sans heurt, sans violence.

Ils restent là, sagement assis, perdus dans leur lecture, ou debout, décryptant attentivement les panneaux de départ. Apparemment soumis et obéissants, où s’en vont-ils tous ces voyageurs ? Avaient-ils prévu, espéré ou redouté le retard annoncé ? Quel rendez-vous allaient-ils manquer ? Un ennui paisible et résigné se lit à peine sur les visages vides d’émotion, fermés, indéchiffrables. Appuyés sur les valises du temps suspendu, passagers prêts à embarquer qui n’embarquent pas.

 

Selon un itinéraire fléché, Gérald poursuivait son itinéraire intérieur. La ville lui était redonnée, fragmentée.  Des mots dansaient dans sa tête : sous la noire voûte céleste des Carmes, il avait si souvent lu ces enfilades de phrases alignées à l’infini, ponctuées d’aucune virgule, venues de la nuit des temps et du fond des rêves. Obsessions immémoriales dans un soleil absent. Labyrinthe de noms, de verbes, tant de chemins possibles, de destins entremêlés, indéchiffrables. Non-sens de vies restées dans une presque obscurité, dans une lumière artificielle, tant de vies mal vécues, ou non vécues. Phrases non achevées : récurrences, obsessions, cauchemars. Sous la terre, le métro, une autre dimension du temps. 

 Tu n’avais jamais bien navigué sous ce dôme noir et doré, dans cette zone inférieure de la conscience. Enfer contemporain. Tu t’accommodais mal de ces escaliers parallèles, tu hésitais toujours, fallait-il monter, fallait-il descendre ? Les mots se perdent, les vies se perdent. Pourtant non, les mots eux, jamais ne se noient, ils glissent sur un fleuve, comme s’écoule la Garonne si proche. Les images se succèdent à toute allure : clairement se superposa en lui un autre double escalier en bois celui-ci, large, aux rampes artistiquement ouvragées en fer forgé à l’hôpital de la Grave, les poutres du plafond le protégeaient. Comme on passe aisément de la mort  à la folie, de la folie à la mort !

Il se souvint aussi des mouettes entrevues derrière une fenêtre donnant sur le quai. Juchées sur le haut des branches, avant de disparaître, elles observaient et méditaient, regardant  fièrement les flâneurs qui, de l’autre côté de la Garonne, marchaient lentement, essayant d’absorber dans leur corps déjà hivernal les ultimes chaleurs du soleil, du ciel bleu, des blancs nuages. Les cris des mouettes lui donnaient une fois encore des nouvelles du monde. Dans les jardins de l’Hôtel-Dieu, hier, il s’était assis sur un banc, s’était souvenu :

                  J’ai été ce demi-mourant à l’hôpital St-Jacques.

                  J’ai été ce nourrisson abandonné dans sa niche

                           ce pèlerin vers Compostelle

                           ce clochard vivant sous les arches des ponts

                           ce noyé retrouvé au pont troué

                           cette mouette aux aguets.

Mais à chacun ses pas. La musique du passé s’est éteinte. Il avait nagé à contre-courant. Avec ses arbres vêtus d’automne, la ville une dernière fois lui avait parlé. Il en avait fini de courir.

Il fut là soudain devant elle, elle en avait fini d’attendre.

Ils avaient chacun de leur côté voyagé à rebours du temps, en avaient déjoué tous les pièges.

S’achevait ici leur longue déambulation.

Une voix se fit entendre :

Le train n’avait aucun retard. Il entrait en gare.

Une main se referme sur une autre main.

Droit venu du « pays jonglé » un homme qui arpentait cette salle des pas perdus les vit, les reconnut, et avec un long signe de main leur adressa un silencieux sourire de connivence.                                             

 

                                    

                                              

ecriture detailj5 copie
Marie-Anne  Venisse

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2009 6 19 /12 /décembre /2009 11:27
 


1. Le marché

 

Dimanche matin, marché Saint Cyprien.

Mes papilles se réveillent,

Ce que je suis aussi

Radio commerciale en fond sonore,

Ricochets de paroles,

Je mixe les échos du monde

 

« Tête de moine à Noël » 

« Chez Décathlon »

« - Oh, je n’ai pas ma grande aujourd’hui »

« - Où es-t-elle ? »

« -  Dans un bocal ou une boîte en fer ? »

« - Non merci, je n’en veux pas »

« - Elle est jeune après tout »

« - La chimio n’est pas nécessaire. Que ça dure, que ça dure »

 

            Noël n’est pas nécessaire.

 

Le traiteur traite,

Le poète poème

Tête de moine again

Against tête d’enterrement

 

«  4 Euros 80 et 20 et qui font 5 »

Sommes-nous l’addition de ce que nous sommes ?

Entre moi et ce que je suis,

J’essuie des mots imprévus.

A la radio, « Show must go on »

Ma queen, ma reine

En ton absence

Tes courbes m’écrivent

 

J’embrasse des filets de mots

Des noix de voyelles,

Des lignes pêchées

Sur le bitume

 

Une ambulance,

Silence dans le bruit

Je mixe

« - Avec ceci ? »

« - Cela sera tout, merci »

« - De rien grand mère »

La mienne est passée dans l’ambulance

« - C’est la mère de Mona »

Je ne la connaîtrai jamais

Où cela mènera Mona ?

Rive gauche,

Sur la route de Mac Carthy ?

 

 

En face de la halle

Les douches municipales

Sont asséchées,

Les hommes aussi



 

2. Quai de l’exil républicain espagnol

 

Exilé volontaire de cette République française,

Mon arme est légère, une plume.

Toi camarade espagnol, aux armes lourdes,

J’écris pour toi ces lignes de combat.

 

Je salue sans risque ton courage

En écrits silencieux.

Je ne crois pas en Dieu

Mais au courage des hommes

Qui se battent

 

Camarades exilés espagnols

Si l’on pouvait passer ne serait-ce qu’une seule nuit à refaire le monde

Puis le lendemain, le reconstruire,

Et sur les cendres danser

 

A la dérive,

La foule coule

En nage solitaire

A la surface de l’Histoire

Les fous ont enfermé

La République

 

3. Eglise de la Daurade

 

Daurade, un poisson à la rue.

J’en fais non pas une prière

Mais un barbecue,

Loin de l’église et des quais

Le long desquels je pêche des mots.

Ma religion est celle des sens.


 

4. Métro des Carmes

 

Dans l’impatience du possible,

Je bouscule les rêves.

Dans l’atelier des désirs,

Le langage peint nos corps

 

Deux anges,

Dans l’immobilité de la nuit,

Se confondent,

Assis sur le tombeau du temps

 

Une voix,

Celle du néant,

Murmure :

 

« J’ai quitté la cour,

Anges,

vous êtes beaux.

Anges,

Vous êtes beaux

Dans vos rêves éveillés 

 

Si beaux,

Que les étoiles dansent

Et filent

L’œil sur ce moment

Où tout est possible

 
sentier d'ecriture St Cyprien7




















ecriture detail11
Emmanuel Scheffer 

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 13:22
 



Me revoici piège de ma traversée entre les pas du vent que tu ajustes à la légende à chaque fois que tu transposes tes rues parmi les façades roses d’orgueil. Je marche dans les frondaisons d’automne, j’hume les parfums du matin au rythme de tes ardentes humeurs.

L’Inclinaison des pertuis dessine un éventail de vestiges, tu fais don de ta beauté aux orées en ferraille. Il ne reste plus qu’à cheminer l’inconnu et ramasser les esquisses qui passent de main en main.

À coup de cœur inattendu, tu entends le train qui résonne son écho comme un éclair annonçant l’autre monde. Tu rejoins  les marcheurs de la gare et tu leur chuchotes la promesse du retour  Je reviendrai à Noël », dit cette vielle dame sur le quai du départ. 

Sous les arcs décolorés, tu tisses les filaments d’échine sur ton corps pelé  par la cire comme un symbole flottant dans les eaux du canal. Les feuilles mortes que garnissent  les rêves et les récits, tapissent les murs et ravivent les mots qui restent dans les carnets du voyage.

Les pierres nous parlent au présent et nous pensent au passé. Elles entretiennent l’énigme du temps volé aux autochtones. 

Pas après pas, à la croisée des sentiers, accoudée au parapet du pont, l’horizon perce mon regard jusqu’à la pupille qui se dilate sous la valse de l’eau troublée par l’errance des péniches.

Le pont vertical, se conjugue au silence et au bruit de la ville, écrit une autre histoire sur ses flancs  écorchés, celle dissipée entre les lignes de la main posée sur l’anse froide, juste là, à l’endroit où l’empreinte des doigts laisse couler l’encre des mots dans le dégueuloir.

Il suffirait pourtant de déplacer ma main pour réécrire mon histoire au milieu de nulle part et devenir le nouveau fantôme de la ville.

Je ne sais si c’est nous qui traversons ces lieux ou ces lieux qui nous traversent « Il n’est sentier que de nous ».

Derrière les portes entrouvertes de l’Hôtel Dieu, les gardiens des lieux se réveillent sous des pas pesants, ils accueillent les âmes ambulantes en quête de vie parmi les traces des morts. Ici, reposent les corps malades  entre les stries rouges de sang. Leurs ombres se reflètent sous forme de croix sur les vitres déridées par la lumière et nous invitent à sortir. Il s’échappe du court instant une immensité de visions.

Dehors, les mûriers étreints sous le ciel nu de nuages, nous consolent et nous caressent sous les arcades bariolées, ils  nous offrent leurs délices dans les bras coquillés de Saint-Jacques.

Plus loin, la ville se ferme derrière les étalages de livres, conte une histoire, médite le chant  des illuminés et attend la nuit suivante pour dévoiler ses secrets.
Ce fut qu’un clin d’œil de vie mais il y a toujours de ces traversées aussi brèves soient-elles qui empêchent la ville d’achever d’écrire la mémoire.

Anissa Mohamedi

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 13:15
 


1 En rev'nant d'Jolimont, vers la Gare

 

Boîtes dépilent

Mon pas le long

Des rue file

Les mots sont

Mots-sons

D'une ballade à la dérive.

Mots filent

Dans le vacarme des bagnoles

Plus loin

Ritournelle dans les ruelles

Noms de rues, palissades

Glissades vers le bat du mont.

Pas joli mont.

Plus loin

Roussie la vie

Descente ici devant les grues

Ciel de petits toits drus

Doigts de feuilles crochues appellent

A travers les fentes de bois

Au fond d'une tonnelle

De la rue Taupin

Tapinent la sauterelle et le gai lutin.

Une belle Toulousaine se coiffe en reine

Au coin d'un carrefour

Au loin les bagnoles, toujours.

 

2 Derrière Matabiau (la gare)

Vase renversé

Le château de béton

Tout près contre un énorme cyprès.

La médiathèque trouée derrière

De briques et de verre

Tout devant le long des dépôts

Et carrés de bureaux en légos

Derrière.

Ville cité, envers

Du décor, là,

Où d'habitude, circulez

Ya rien à voir.

 

3 Parapet

 

N                     K

i

N

i

 

LESIK

ZEBR

 

Au-dessus

Des voies ferrées

Arrêtés les ceusses qui s'arrêtent là où

Les OTR ça Ret pas.

Y a rien à voir que les trains.

Et les bouteilles balancées.

Z êtes pas des vaches à lait.

Circulez.

 

Plus loin

Au-delà de la grille haute

Rectangle

Les tags géants jaunes

Et les feuilles mortes

Seuls signes de vie.

 

 

4 Salle des pas perdus Matabiau

 

Tous les pas perdus se retrouvent là

Pressés stressés

De ci de là les valises marchent avec au bout des mains des yeux

Perdus aussi

Tn tn tn tn le numéro en pro va gare voie

Ricard un apéritif vrai

Silence alentour

Journaux ouverts

Entre temps

Le temps de quoi

Grosses peluches en travers

De ma vue en vitrine

Fabriquées par des enfants en Chine

Mesdames-sieurs interdit

De fumer- ceinte gare

Sainte gare

Tout bagage sera détruit

Le voyageur aussi, pour l'heure

Entretemps

Relay

Santé fiévre trentehuit

Urgence quinze

This is a message from the Health Minister

Wash your hands

Lavez-vous les mains

Ach zwei nul

Sécurité obligatoire

Etiquettes

Une dame tricote.

 

 

5 L'empêchement

 

Ca se délite!

Ca s'effrite ça s'efface

Ca m'agace.

 

« J'ai un empêchement »

« En déplacement »

Je mens :

Pas dire

Ce qui m'empêche,

Je me dépêche

D'oblitérer

Je bute

J'écueille

Je cueille au passage

Une mauvaise excuse

Ca passe pas j'arrête

Je passe pas je m'arrête.

 

Pour arrêter de cheminer,

Pas là le mot juste: « empêchement » - sert

Pour faire à mauvaise rencontre

Esquive.

 

Pour arrêter de cheminer : « obstacle » ou plus, « contre-temps ».

Empêche-ment n'est pas

Contre chemine-ment butoir.

Empêchement ment.

Chemine obstinément.

Anne Cameron

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 13:01
 


Toujours en partance

Jamais en arrivée

Tu as toujours rusé avec toi-même. Tu n’as jamais atteint l’autre rive. Tu n’as jamais traversé le pont.

N’es-tu pas aujourd’hui cette péniche amarrée solidement au quai, qui ne peut plus glisser sur le chemin des fleuves, enracinée dans l’eau à tout jamais au fil du temps comme des saules emprisonnés, immobiles dont seules, quelquefois, des branches trop flexibles, trop sensibles répondent lentement au vent en se penchant doucement à droite, puis à gauche et conversent avec lui, résignées ?

Quels arbres séculaires n’as-tu pas su abattre en toi, quand il en était encore temps ?

Quelles racines te barraient la route que tu n’as ni voulu ni su extraire ? racines en vrilles qui s’enfoncent aujourd’hui en toi, en virevoltant dans les profondeurs d’une eau devenue opaque, puis trouble, puis obscure.

Les racines de ton être pénètrent dans une nuit qui n’en finit pas.

Tu n’en finis pas de descendre, de te noyer infiniment, sans jamais t’arrêter.

Tu n’as jamais suivi la route du pastel, ce bleu qui t’aurait coloré les yeux, explosé l’âme, le cœur et la vie.

Toujours en attente, tu restes là, en attente d’un déluge-délivrance, d’un bombardement, d’une apocalypse impitoyable, toutes dates improbables.

Mais trêve de rêve.

Tu restes là, engoncé dans ta solitude. Empêchement.

Dans quels empêchements inextricables t'es-tu empêtré ?

Soudain, Miracle.

Le vent te fouette un peu trop violemment le dos, et tu avances un pas, oui encore un, oui, tu le peux. Il  n’y a plus d’empêchement. Courage, essaie, continue, persiste.

Tu as franchi l’autre rive.

Tous les lampadaires s’allument sur ton passage, saluent ton réveil. Non, les ans ne t’ont pas abattu. Abattoirs imaginaires  écroulés.

Finie ta finitude.

Achevés tous les exils.

Effacés tous les ratages, fondues toutes les peurs et toutes les neiges de tes profondeurs, rayées toutes les incertitudes.

Tes pas perdus se sont retrouvés.

Surtout ne te retourne pas.

Non, je ne me retourne plus.

A ciel ouvert, à tombeaux ouverts, un sourire dans les yeux, je longe  les maisons aux façades grises, blanches, ocres ou roses qui s’alignent, serpentent, montent, tournent, descendent au long des rues qui n’en finissent pas de se continuer, de se perdre dans d’autres rues, de repartir pour de plus séduisants boulevards, et s’achever quelquefois sur une place dont la fontaine étonnamment efface le passé.

Je marche, je chemine dans les rues de Toulouse, je ne respecte pas les feux pour piétons.

Qui, moi m’a respecté ? Qui m’a suivi sur les chemins de mes rêves et de mes illusions?

Balade intérieure qui se superpose à une autre balade plus réelle.

Je regarde les pressings du passé, d’un passé lavé, repassé qui m’est redonné dans toute sa propreté, sa pureté première.

Le film de ma vie se déroule au fil des rues.

Je te chemine rue Bernard Ortet.

Je caracole, rue des Champs, rue du Libre-Echange. Que pouvons-nous échanger : la grâce de la compréhension, de l’acceptation de l’autre, de son propre passé ? Et contre quoi ?

Je t’aperçois rue des Champs-Elysées, mais je n’ai pas de passeport valide pour t’emprunter, il est périmé depuis quelques années déjà. Je n’obtiens plus l’autorisation de le renouveler.

Je te rêve rue Charles Perrault, tes contes m’habitent, tes personnages m’ont construit, un Barbe-bleue assassin par çi, une Belle qui par là dormait, une Cendrillon qui ailleurs travaillait en se résignant, ne se résignait pas en rêvant.

Je te salue rue Emile Zola entre-aperçue, je te vois Gervaise accoudée au parapet, noyée dans l’alcool de tes illusions écroulées, alcool qui s’évapore plus facilement dans ta vie de cauchemar que tes anciens rêves de bonheur à tout jamais amochés, déglingués, détruits, anéantis.

Les érables de Montpellier aux feuilles jaunes, or, rouges flamboyants me saluent tendrement au passage.

Des  accès interdits me rappellent les bornes à ne pas franchir.

Une affiche,  The Horrors, épingle en moi la date des malédictions intérieures.

Des inscriptions Pirates, Héros de la résistance, Le jour où le mur est tombé s’entremêlent dans mon présent et jouent dans ma mémoire.
Le canal apparaît, oui les croisières, l’échappée sont encore possibles. Des arbres verts et rouges le confirment hautement et fièrement.

Pourtant non, hôtel terminus, il n’y a pas d’ailleurs.

Faux !

Il me faudra souvent aller au pressing du présent, sans aucune halte, en feignant d’ignorer les règles du parfait voyageur.

Il me faudrait continuer d’avancer dans cette ville labyrinthe.

Tu n’es plus enneigé.

Tu n’es plus endeuillé.

Tu n’es plus effeuillé.

Tu n’es plus emmuré dans les larmes.

Ne perds plus tes pas.

Tu te dois de retrouver une boussole, une direction, la direction.

Tu te dois de fuir une pâle et frileuse vie : sens interdit.

Tu n’es plus en attente d’un déluge annoncé

Deviens aveugle devant cette aveuglante lumière qui te foudroie.

Les retours n’existent pas.

 

Je le sais, nul mensonge ne m’empêchera de partir.

Les sentiers des villes mènent aux chemins forestiers où éclatent et s’écrasent tous les empêchements comme les châtaignes et les champignons foulés aux pieds d’un marcheur  pressé d’atteindre le haut de la colline, d’en découvrir l’autre versant.

sentier d'ecriture Jolimont3

ecriture detailj5 copie
Marie-Anne Venisse

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 12:12
 

 


C’est dimanche. Je me réveille lentement, me sors d’un rêve en blanc et noir. Pas comme un film, pas comme « La dolce vita », non, un rêve sans couleurs, un univers de labo photo mais sans la petite lumière rouge ni même l’odeur des produits de développement.

C’est dimanche. Je le sais à cause du bruit : il n’y en a pas. Chacun est dans ses draps blancs, ou dans ses idées noires, c’est selon. Je n’ouvre pas les yeux. J’écoute ce silence, ces murmures ouatés qui parviennent quand même à s’infiltrer jusqu’à mes oreilles.

C’est dimanche. Ma taie d’oreiller est blanche, je le sais car elle n’a pas le même poids, la même odeur que les taies teintes. Les taies tintent, tiens, ça me fait sourire mais je garde encore les yeux fermés. Une lumière blanche s’insinue sous mes paupières et me souffle que le matin a déjà commencé.

C’est dimanche. Je m’imagine entrain d’écrire ce que je suis entrain de penser, je vais le faire dès que je serai réveillée, assise au bord du lit. J’écris car je ne sais pas dessiner. Ce n’est pas grave puisqu’au bout je brûle tout, le papier blanc et l’encre noire. Le papier devient noir en brûlant et se recroqueville, laissant l’écriture comme des traînées blanches sous la suie.

C’est dimanche mais la lumière devient trop forte et mes paupières s’ouvrent toutes seules. La nuit est finie, la nuit noire est partie, c’est la lumière blanche qui paraît, avec la vie, les bruits, les ennuis.

sentier-d-ecriture-IC.jpg

La sonnerie du téléphone a retenti. Comme d’habitude, je me suis précipitée, j’ai écouté ce qu’on m’a dit, j’ai fermé les yeux et dit : j’arrive. J’ai dévalé les escaliers du vieil immeuble, dévalé les rues qui descendent, qui montent, me suis engouffrée dans le métro, remonté les escalators à pas de course, couru jusqu’aux escaliers de l’Hôtel Dieu pour me retrouver maintenant nez à nez avec ça. Une lointaine musique d’accordéon parvient jusqu’à mes oreilles mais une odeur de vieux pansements me prend soudain à la gorge. Titubante, je me penche sur le parapet blanchi de salissures et vomit sur les mouettes qui s’enfuient en piaillant. Je reste longtemps penchée, attendant que les derniers spasmes s’apaisent. Ma peau est brûlante et froide en même temps. Je dois être verte, pas de peur mais à faire peur. Je me force à ne pas penser au sang, au sang partout pour ne pas me remettre à vomir. D’ailleurs, les mouettes sont revenues et me regardent parfois d’un œil torve. Je fais peur aux mouettes. J’essaie de penser à une île, l’été, le soleil et la chaleur. Pas la peine de m’imaginer là-bas, j’ai beau fermer les yeux, j’ai quand même l’image collée au fond de mon cerveau. Ce groupe de vieillards, réunis pour une petite fête, massacrés jusqu’au dernier, y compris le cuisinier. Le sang dans les soucoupes et dans les tasses à café.

La musique d’accordéon est toujours là, quelque part, faible et lointaine. Personne ne va l’arrêter. Personne ne vient me chercher. Personne ne songe à m’apporter ne serait-ce qu’un verre d’eau. Dans mon métier on en voit d’autres. Dans ma fonction, on est seul devant les morts comme devant les vivants. Ceux qui restent, comme nous, avec des visions d’horreur insurmontables. Est-ce que j’aurais le cran d’y retourner ? Mon estomac se révulse. Pas encore, non. Puis j’entends des voix et des portières qui claquent derrière moi, les lumières tournoyantes des gyrophares bleus, les brancards portés par des infirmiers blasés. La mort violente est très chaude tant qu’il y a du sang. Elle devient froide une fois à la morgue, étiquetée, plastifiée. Je ne sais pas laquelle est la pire. Je renifle. Le médecin légiste s’avance vers moi et dit :

-         Bonsoir Commissaire, pas beau à voir, hein ?

Je ne réponds pas. Je viens juste de décider de changer de métier.

Je reviens enfin lentement à travers les rues désertes. J’aperçois un café ouvert, avec une minuscule terrasse encore au soleil. Je m’y assois pour boire un café, en profite  d’abord pour fermer les yeux et écouter les bribes de conversation des gens qui passent :

-         mais non on va vers là-bas…

-         mais il t’a dit qu’il serait là ?

-         je dormais bien, mais qu’est-ce que je dormais bien… !

-         tu es toujours en retard !

Je me souviens alors que je dois aller chercher ma fille ce soir à la gare. J’ai le temps. Je laisse le soleil de fin de journée caresser ma peau et mon regard vagabonder sur les hauteurs : j’aperçois des colosses tenant des colonnes sur leurs épaules, des cariatides de chaque côté de mille fenêtres, des portes à grosses serrures et avec d’étranges ferronneries, à double battant, abritant des cours anciennes pavées, des ruelles étroites. Au-delà, vers le ciel, se dresse au dessus d’un bâtiment un boeuf sur le toit.

sentier-d-ecriture-IC3.jpg

Qu’est-ce qu’il fait là ? Est-ce le paratonnerre d’un boucher ? Le mot boucher me refait frissonner et je repars. Un scooter me frôle et manque me faire tomber. Un vrai scooter, un vieux, un vespa comme dans les années 70. Le souvenir de mon arrivée dans cette ville me submerge. Ce devait être à la fin du mois d’août. Il pleuvait à verse et des barres de pluie traversaient les bâtiments de brique dont on ne voyait pas le rose. Tout était gris, même l’enseigne longiligne des Nouvelles Galeries et pourtant une lumière jaune et chaude se déversait tranquillement. Le scooter file dans les petites rues, il vire, glisse et revient dans ce centre ville pavé. La visière du casque empêchait de voir les choses clairement et les rendait étonnamment floues. Une seule chose était sûre : cette ville serait la mienne, elle m’enveloppe, m’adopte, me transporte.

Aujourd’hui la lumière du soir est toujours chaude et lumineuse, enveloppante.  Les rues sont toujours roses et grises, mais moins pavées, accessibilité oblige. Je me promène, regarde en l’air et m’empêtre dans une grande bringue immobile sur le trottoir, regardant ses pieds d’un air malheureux. Je les regarde aussi mais n’y voit rien que des souliers éculés sans lacets. Cette place regorge de sans abris, de trafics en tout genres, de flâneurs, de chômeurs en quête de quelque chose qui les changerait de la routine vide de leurs journées, de retraités qui attendent des bus improbables, du genre qui passent entre 15h40 et 16h15 sauf dimanche et jours fériés.  La grande bringue n’a pas bougée. Elle me fait soudain penser à celui qui se promenait toujours dans la Grand rue du village où j’habitais, petite. Il humait le vent, vivait de rien et avait les mêmes chaussures, données par quelque œuvre de charité. Avec ma copine, avec laquelle on se piquait de poésie, on avait même inventé une petite strophe innocente qui nous faisait rire aux larmes à chaque fois qu’on la récitait :

L’idiot du village est empêtré

Etonné, il regarde ses pieds

Meurtris par ces chaussures trop

Petites que quelqu’un lui a données

Euh… dit-il sans accent

Chuis pas sûr qu’ce soit un cadeau

Hébété, il regarde sans comprendre

Encore pourquoi il ne peut avancer

Mais soudain quelqu’un passe

Et lui lance d’un air goguenard

Non mais t’es crétin ou quoi

T’as pas vu que tes lacets sont ensemble attachés ?

 

J’en souris encore pareil aujourd’hui, je ne l’ai même pas oubliée, cette petite strophe de rien du tout, que nous avions inventée un soir de pluie pour chasser l’ennui.

Avant de prendre le chemin qui mène à la gare, je vérifie que cet innocent-là n’a pas les deux pieds attachés, non, il pourrait marcher, son hébétude doit avoir une autre provenance, plus liquide. Je le laisse se demander s’il va enfin traverser ou non et me dirige vers le métro lorsqu’une affiche me saute aux yeux : « ce soir, mettez vous en mode vibreur ». Déjà agacée par les conversations impudiques qui m’ont agressé les oreilles tout au long de ma déambulation, je songe qu’il serait encore plus profitable à l’humanité qu’elle se mette en mode silence, une bonne fois pour toutes.

Devant la gare, une foule dense sort et entre dans le bruit incessant des portes coulissantes. Je remarque un Touareg bleu, grand et enturbanné, qui fait les cent pas devant le hall départ et finit par partir avec un ami enfin arrivé.  Mes yeux se lèvent vers le panneau lumineux : 20mn de retard, j’ai bien fait de ne pas me presser. Je lèche la vitrine du marchand de journaux qui affirme qu’un livre de poche, c’est léger dans une valise. Moi je n’ai rien, ni sac ni valise, ni chic ni craquelée. J’attends l’arrivée de ma fille, qui parfois se pose chez moi entre deux voyages, deux reportages, deux amours volages. Telle Icare volant dans les airs, ma fille à 8 ans avait un jour construit ses ailes, bleues avec une armature en fil de fer. Le jour où elle a vraiment pris son envol, elle s’est posée come un oiseau sur ma main, m’a dit au revoir en soufflant un baiser sur ses doigts, est partie loin de moi. Elle revient pourtant, oiseau migrateur fidèle. Je la vois descendre du train, avec ses sacs de voyages, ses mallettes pleines d’appareils photos et d’accessoires. Je m’approche, la retrouve, l’embrasse. Ma journée commence vraiment.


sentier-d-ecriture-IC4.jpg



 Isabelle

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 11:02
 


H       A         U         T          S    
A         B          A         T          T          O         I           R          S

 

 

 

1.     MORCEAUX DE BARCELÓ

 

C’est le chantier

Chantier – Latence

Tout le rez-de-chaussée chante

De toutes les caisses et de toutes les boîtes 

Enchantées des choses cachées

De ses œuvres jeunesse…

 

Quoi se cache dessous ?…

 

                   Chut…

 

 

2.     À HAUTEUR DE… TOMBEAU POUR SAWICHE…

 

Au troisième dessous … l’homme est noir de la tête aux pieds et il est dans l’assise du vide / les jambes impatientes / les ongles dans les dents / la tête dans les mains / le front dans la paume / dans l’immobilité / dans la garde de l’ennui / dans l’instabilité aussi / le corps arc-bouté / une main sur la gorge nouée, pivot de ci de là / une main encore sur le genoux puis sur l’autre / la tête sur l’épaule / se lève / se déplace dans un balancement des jambes de-ci de-là  /… / et d’un coup disparaît.

…Maintenant le siège est dans le vide / nu du bois lisse et découpé / adossé à un pan du mur immobile / appuyé sur ses pattes de derrière et sur celles du devant  / l’échine droite offerte / le dos contre l’arête / le poids dans le sol / le poids déposé dans l’idée de l’homme / (le noir) / ils se gardent l’un l’autre / l’un comme l’autre / regard diagonal / dans le vertical / bientôt l’un dessus l’autre dessous / de nouveau /  s’accommodant du temps.

 

                   Chute…

 

 

3.   AMORCE

 

30 marches pour en arriver là, mais ce n’est pas tout,

Descendre 45 marches encore,

Et 20 marches de plus,

Pour atteindre le surréalisme du sous sous-sol !

 

 

4. PERCHOIR DÉCHU  

 

S’hachoir sur une tranche de chaise

Et puis choir…     

 

(de six pieds)

 

 

 

  

H    Ô     T     E     L     .     D     I     E     U     

                                                                                              

sentier d'ecriture Jolimont5-1devant

les carreaux vagues

mais   

derrière

les chiures de mouches

devant

le bord du balcon au bord du vide

un chant haut

dans le dos

sans paroles

derrière

devant

un frémissement de la vitre ouverte sur loin

mais

là devant

un cormoran plonge

le jardin du balcon retrouve du sauvage dans ses interstices



devant

un pigeon veille

des albatros veillent

je veille

autant que possible à bouger le moins possible

derrière

je m’épanche, j’hésite, je digère, j’oublie

 

 


 

 

    

     H     A     L     L     .    D    E     .    G    A     R     E

 

 

 

Nous sommes comme des enfants dans la maison de Paul.

La maison de Paul fut fondée en... mille huit cent et quelques,

On sent encore l’odeur des croissants tout juste sortis du four.

 

    Voix B « …Ich habe dehr…fallen… »

 

Et l’espoir toujours dans l’ hagard des regard, les yeux dans les cieux, sur le départ, le miracle pour bientôt ?…

 

On s’accroupit devant l’autel des friandises. Le tronc est grand, il sait le rendre à qui sait viser… 

 

    Voix 2 – Auch à quai. C’est ouf, c’que c’est Auch, un hall de gare !

 

    Voix 1 – La scène est prête, qui vit voit : Tatatataclac : le grand jeu des chaises tourmentes, un ballet de claquettes sur le marbre azuré.

Un coup de balai, les traces s’effacent.

Rumeur.

Tas.

 

    Voix 5 – « …la parole ?...vraiment ?... à force je ne sais plus » (Un roman français)

 

« allô ? allo ? «  

 

    voix 7 – Tu t’assoies en face de moi, avec ton « Moment de vérité » personnel sur les genoux, ouverts.

 

Semer le doute… gare aux paquets de grippe A…bandonnés.

 

«  – Tu n’as pas de repère sur l’évolution » dit un monsieur à une petite fille.

 

L’escalator joue son rôle de grande gueule qui engouffre, et l’on y va, un sandwich à la bouche.

 

Terrain glissant pour canne blanche.

 

Le baiser ! Le baiser ! 

 

Il faut parfois "éviter le contact avec" (par exemple : une personne contaminée)

Parfois il faut "prendre contact  avec" (par exemple : un spécialiste de la contamination)

Il faudrait savoir, ne pas se tromper, et en plus, il y a un certain retard voix 5 qui fait que…

 

    Voix 1- « je te raconterai plus tard »


sentier d'ecriture Jolimont12

ecriture detail10 
Marie Frécon

Partager cet article
Repost0
16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 12:02
 
  

 

 

La rue Bernard Ortet,

un grand ferronnier d’art

pour la postérité,

nous mène en serpentant

vers le chemin de fer.

Il fallait la descendre

pour observer les voies …

En route nous laissons

tours étagées, immeubles

et maisons en rotondes,

maisonnettes parfois,

décor en escalier

coupé du bruit d’en bas.

Ici, la rue des « Champs »

vient nous faire un clin d’œil !

 

Jolimont - Marengo, nous voilà ! 

Sur le pont de la gare

une moto à un feu,

un homme, une fillette

accrochée à son dos,

toute casquée de rose

et ses boucles échappées,

petit oiseau dormant

dans le trafic ambiant !

 

 

 

Ce matin grisaillant,

nuages menaçants,

et moi, bon an, mal an

qui entre en hésitant

Salle des Pas Perdus,

on s’y engouffre en flux,

et moi, cahin-caha,

j’y engage mes pas …

 

Un chocolat bouillant,

les autres travaillant,

un papy bienveillant

m’offre un siège en disant :

« mon train est déjà là ! »

une mémé dont le bras

est bandé, et qui tire

son sac … est tout sourire !

 

Les jeunes sont maussades,

ont marre de la panade,

les oreilles en balade

et les yeux en charade,

entre le savon Dove

et De Palmas in love,

panneaux de direction,

panneaux d’interdiction …

 

Beaucoup de gris, beaucoup,

dehors, dedans, partout,

l’affichage tout à coup

- et le départ au bout -

bougent la foule aux aguets

et la font s’ébranler !

S’il te plait, Saint Médard,

attends pour faire pleuvoir !

Oui, je sais, c’est novembre …

Et ceux dans l’antichambre,

que peuvent-ils bien attendre ?

La corde pour les pendre ?

Ils semblent en partance,

ils sont là en avance

et baillent, flèchent des mots,

feuillettent des journaux …

 

D’autres sont à la bourre,

ils courent et courent toujours,

et ratent tour à tour

le travail ou l’amour !

Trop vite ou lentement

s’écoulera le temps

au cadran de l’horloge

pour Bordeaux ou Limoges …

 

Et quant aux vêtements,

ils sont couleur du temps,

sombres uniformément,

aussi se confondant

à la poussière des gares,

oh … , l’étui à guitare …

soudain si rouge, enfin,

qu’il est beau cet écrin !

 

Pour fêter cet instant

de simple joie d’enfant ,

je distingue en passant

et tout en m’en allant

des taches de couleur :

sur le sol sont des fleurs,

mon humeur se réveille,

tiens, voilà le soleil !


sentier d'ecriture Jolimont2

Descente au métro « Carmes »

Œuvre de Marcheschi,

Carmes ou bien Cramés,

voûte céleste,

coulée de lave ,

les deux entreêlées,

fondues l’une en l’autre,

magie de la chaleur,

suie, cendres,

noir de fumée,

l’encre se délave,

se patine.

L’écriture ininterrompue émerge

en ces multiples transparences,

le clair-obscur

créé en ce lieu de passage

surdimensionne l’espace !

Le voyage intérieur

peut exister

au sein du lieu public.

Cathédrale de verre,

de plastique, de métal

et de carrelage,

le gris froid du décor

s’adoucit de ce ciel habillé

dominant les escalators !

La monochromie s’en trouve

un peu plus habitée …

On peut lire :

« entrer dans le temps »,

« l’enfance au bout »,

« il faut de l’ombre à la lumière ».

L’endroit est étrangement silencieux,

les gens ne parlent pas ou bas,

ils montent et ils descendent,

leur flot est nimbé

d’un halo cosmique …


sentier d'ecriture Jolimont5-1

Hôtel-Dieu Saint-Jacques

Hôpital et Asile,

abri des nouveaux-nés

abandonnés,

sans famille ou sans père.

Dehors,

dans un mur creusé,

une niche.

Dedans,

un plateau pivotant,

et les deux s’ajustant :

c’était « le tour » …

On y posait la nuit

l’infortuné nourrisson

qui , par cette niche,

passait discrètement

en la bâtisse

pour y trouver

havre et sécurité …

A l’intérieur,

de grands escaliers

aux marches polies et usées

de tous les pas accumulés

au fil du temps !

A travers l’immense ogive

d’une verrière ,

de l’autre côté de la Garonne,

Daurade, Jacobins,

et leurs reflets dans l’eau .

Au-dessus du Pont Coupé,

des mouettes

séchant leurs ailes au soleil,

perchées sur des projecteurs …

 

Derrière, au jardin,

face au Château d’Eau,

un bassin à sec

en forme de Saint - Jacques.

Ici règne l’austère poésie

pressentie

dès l’enceinte franchie :

rangées de buis

taillés en dômes

et en volutes,

allées rectilignes

bordées de tilleuls

bien alignés,

une tranquillité étudiée

où les idées se mettent en place,

dans la solidité,

le séculaire,

le rectangulaire

et la sobriété !

Nulle fantaisie

ni superflu

en ces lieux …

Des rosiers tardifs,

tout aussi ordonnés,

distraient à peine l’œil,

timide floraison.

Le rose de la brique,

fort heureusement,

capte enfin le soleil

et la moindre lumière,

réchauffant les impressions.

Au sol, le gravier,

également rosé,

est tout illuminé !

Où sont donc désormais

tous les enfants abandonnés ?


 

  Marie-Christine Camy

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 22:37
 

 

 

Dans un coin frais du marché campe une pyramide d’artichauts. Télescopage visuel. Rencontre charnelle de cœur à cœur. 3,80 € le kilo. Ils viennent de France. Pas comme moi. Ce sont des Macau. Des gros. A cuire. Les violets en bouquets c’est du cru. Enfin… à manger cru, plutôt. Quoique…

A quelques pas de là un chien de traîneau à la voix de peluche traîne sur la plage arrière d’une petite voiture à la carrosserie blanche flanquée d’un grand A rouge de traviole. D’autres animaux en tenue de camouflage effleurent l’écorce terrestre. Des portes battantes s’ouvrent sur un délit de fuite : des poulets rôtis drapés de friture s’évadent de la puissante structure métallique. Contrôle d’identité. Le chien de traîneau limité à 24 heures consécutives a-t-il un permis, un nom ?

Un rayon de soleil pointe en direct sur Varsovie. La plaque de rue en hauteur apparaît en surbrillance : rue de Varsovie.

Y’a de la vie dans Varsovie pour mon cœur épilé, estrapadé, entre la sépulture de Jean Balette et Pépita qui coiffe mixte depuis toujours dans la Grande Rue Nicolas.

sentier d'ecriture StCyprien1
















Frontière entre dedans et dehors foulée par les habitants d’ici et d’ailleurs cherchant asile, refuge, une perle au creux de la main ou dans une coquille, un noyau dans une écorce.

Entre les deux, un port, une passerelle surplombant le fruit d’un tourbillon de cultures.

Un écho de paroles murmurées comme une prière « Au cœur de ce trésor avait poussé comme une petite fleur, qui avait grandi, grandi. Espérance était son nom ». Mais les mots ne raisonnent pas tous pareil. David, toi le Roi Nègre à la couronne en carton, être de chair et de douceur tu le savais. Des graines et des graines ont germé, par milliers, dans ce quartier, sur ce quai d’exil républicain espagnol : direction  rue des Novars, Casa Catala, rue du Crucifix, pas de doute. 

Peut être que dans une autre vie cela aurait pu être moi, là, dans cette rue, ce quartier, ce quai, cette maison, exilée d’une vie. Peut être que dans une autre vie j’ai été, je serai un homme ou un animal ou une graine ? Quien lo sabé ?  Le monde autour de moi porte l’empreinte de l’exil.

Echafaudage d’une galerie de portraits. Entre enfer et paradis, les Chères Âmes du Purgatoire sont en transit, en exil elles aussi. Grâce obtenue. Délivrance. Profond merci. Reconnaissance. Guérison. La Vierge Noire a métamorphosé sa robe sans taches de péché. Eternellement. Fervente. Bonne Mère à qui vont tous ces hommages de reconnaissance. Merci aux 37 descentes en tout en 163 ans de Notre Dame de la Vierge Noire, protectrice divine de la maternité.
Le vent frémit aux contours de la "devalada" de la halle aux poissons. Le canal de fuite des moulins donne le ton, les néo thermes toulousains du 34 Quai de Tounis où officiait Mr Prosper Melnotte, doucheur - pédicure ne sont plus.

sentier d'ecriture StCyprien-rive droite7



















A quelques zigzags de là, " L’envoyé spécial a disparu" titre un roman d‘un autre temps. "Lettres de feu ", " Larmes d’enfants ", " A chacun sa volupté ".

"La voie lactée ". J’y arrive en même temps que la descente du soir, avec le vif sentiment d’un repli sur moi. La tête pleine d’ombres de monstres, je déboule dans cette gorge serrée qui n’aime pas le lait. La propolis active des abeilles aide à m’y glisser comme de la peinture satinée sur du métal. Songerie dans une galerie, porte poussée où le voyageur rencontre la durée. 

Une écriture de lumière s’ouvre sous la voûte d’un volume clair obscur. La rampe est protégée par un doux gris cotonneux,

Je repense à David, tout droit, tout noir, filiforme, couronné de succès cartonné prédécoupé, gisant sur une pierre tombale au grain religieux, transfiguré dans une espèce de coma, petit coin du cosmos juste entre deux univers, en filigrane, d’un non lieu précieux.

 
Corine

Partager cet article
Repost0