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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 14:17
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, le 12 mai 2012
 

  marché st cyprien

 

Dès l’entrée, le patchwork coloré d’un étal de fleuriste. Les couleurs s’entremêlent, se répondent. Tout près, celui du primeur est tout aussi coloré. Mais bien plus gourmand ! Asperges, fraises, légumes nouveaux et déjà melons, cerises et pêches… Puis l’odeur alléchante de celui du fromager. Un père, son enfant sur les épaules, s’y arrête stupéfait par la diversité proposée… Comment faire un choix ? Et si on goûtait ?

Tiens, ici on effeuille un chou-fleur  pour lui donner une fraîcheur feinte. « I love Italia » déclare le tee-shirt du primeur, mais les tomates, elles, s’affichent françaises. Tout à côté, d’énormes pains à la croûte dorée courtisent les saucisses sèches du rayon opposé. Tiens ! On y décapite un lapin ! L’homme au béret vante la qualité des produits locaux. Derrière lui s’expose une affiche du stade toulousain.

Plus loin, une poussette promène un enfant glouton, empressé à dévorer une énorme fraise qui éclate en multiples ruisseaux de jus savoureux. Quel délice ! C’est bien le lieu idéal pour développer les papilles de cet apprenti gastronome !

Mais tout près la poissonnière donne des conseils d’éducation : « je lui tape sur les fesses » et poursuit : « faut être ferme ! ». Les sardines s’alignent sagement. Message reçu !

« - Quatre tranches fines. -Jambon blanc mature ? » Le charcutier s’affaire, il est midi, devant lui la queue des gourmands s’allonge, bloquant l’accès aux autres stands. Peu importe, celui-ci est tout aussi tentant : foies gras, confis, gésiers… A cette heure-ci, difficile de résister ! Tiens, et pourquoi pas du magret séché, pour l’apéro ?

 

MIREILLE M

 

 

  marché st-cyprien 2

 

Samedi 12 mai 2012, 11 heures, marché Saint-Cyprien, Place Roguet,

Jean-Jacques Goldman « Quoi que je fasse, rien ne s’efface, je pense à toi… », Refrain, RFM, odeurs épicées,

Je m’avance ;

Bistrot des halles, trois lectrices attablées pour un café, pour deux romans, un quotidien,

Je m’avance ;

Regards croisés, sourires échangés, embrasure,

Le rive gauche, terrasse bleue, temps reposé, capture,

Je m’avance ;

Un autre carnet d’écriture, rencontre, un autre groupe en exercice, partage,

Gariguettes et asperges vertes et puis, l’étonnement de ces sourires légers au bord des yeux, au bord des lèvres, prêts à s’offrir,

Je m’avance ;

Cannage de chaise, un chaland curieux, une discussion engagée, couleurs, œufs mimosas, piqûre de rappel des dimanches de mon enfance, vapeurs des ports chanson de Cabrel,

Je m’avance ;

Zinc, étal de boucher, foie d’agneau, odeur du sang, hauts le cœur,

Lenteur, et le temps retrouvé au rythme de l’accordéon,

Bouquets jaunes, la pluie qui guette, temps de marché, temps partagé,

Le vent qui se lève.

 

KARINE

 

 

  marché st-cyprien 3

 

11 heures, d’abord une odeur de grillade, l’horloge est arrêtée à 10h45

Dommage, un ¼ d’heure avant nous aurions été à l’heure

Musique et fleurs, la fleuriste sur son étal multiple les bobines de  faveurs multicolores.

Dark shadows : Tim Burton,Johnny Depp,

“Chaque famille a ses monstres” : sans blague !

11h07 :

En fait, l’horloge n’est pas arrêtée, elle retarde

Jambes et morceaux, têtes et cuisses, cou jarret,

Tête de moine, le Pourters, le Fleur bleu, Adortza,

Pierre et Marlène, les petits charcutiers,

11h10 :

« Je voudrais une petite souris » demande la cliente,

Je voudrais être une petite souris

Valérie et sa triperie

Les yeux bleus pâle du monsieur que je croise.

En cas de danger ou d’alerte.

Ah les paniers en fil de plastique de couleurs vives pour choisir les légumes et les fruits.

11h15 :

Glace au thé vert qui ne fond jamais, food art japonais

Joël Mellet et son béret basque Un enfant : « elles sont en vrai les glaces ? »

Panne de cheval,

Bruno, obsessionnel a aligné ses poissons

Ai rencontré en vrai le candidat écolo de Toulouse

11h20 :

Demandez l’Huma dimanche, qui n’a pas l’Humanité

Oh un sumo qui palpe des asperges

Jeune femme enceinte, ventre rouge et rond qui achète radis et carottes en botte

Au loin une statue de femme assisse couronnée.

Tomates d’antan et aubergines de Bretagne

Sens de la file merci

St Cyprien marché métallique comme les Carmes et Victor Hugo

Odeur des fruits, RMC : pour les retraités aussi !

Un monsieur prend la photo d’une dame qui prend une photo : Ripolin

Oh des cerises Place Roguet

La pendule retarde toujours, pauvre M Lepicard

La maison n’accepte pas les chèques, tant mieux je n’ai plus de chéquier.

 

DOMINIQUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:18
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 12 mai 2012
 

D’abord une tache d’encre noire, encre de Chine,

Qui s’écoule au rythme d’un escalator.

Les passants quotidiens regardent ils toujours avec le même étonnement cette œuvre ?

Voie lactée d’un lait noir,

Ombre chinoise, visage d’un loup,

Comme un vertige, peur du vide, de tomber, de la nuit,

Vertige de la nuit, d’insomnie, du petit matin,

« Pluie, ombre, noire, fulgurante, lumière, mariage, préposé, conduites, peintures, blanc, pharaon, maternelle, profonde »

Regarder dans l’autre sens, escalier roulant, sortie de secours, l’air manque, comme prisonnier, la lumière qui palpite comme un cœur enfermé dans son corps

« Ad nauseum », jusqu’à la nausée

 

 

Chose lue : PHOTOGRAPHEIN : écriture de lumière

  

DOMINIQUE

 

 

 

Une voûte noire nous accompagne vers l’intérieur. Un tapis céleste qui suit le déroulé de l’escalator. Une voûte amie, rassurante. Courbe et tranquille. Nous sommes absorbés dans une obscurité enveloppante. Quelques rais de lumière. Pénombre et paix. Un cloître accueillant, envoûtant.

Et puis, on y entrevoit des écrits, des feuillets. C’est une voûte d’écriture. Un ciel, un chemin d’écriture. La pénombre calme la main inquiète de l’écrivain, le cœur sombre de l’artiste, apaise les angoisses, suspend le doute, contient la peur.

Y voir alors « un ciel étoilé et transparent, dense et lumineux » ; la voie lactée. En elle se fondre, se perdre, s’abandonner. Confiant.

 

MIREILLE M

 

 

Métro des Carmes,

            Vacarme,

La voie lactée,

            Entrée,

Lumière brisée, lumière voilée,

            Un aigle noir s’est posé,

Métro des Carmes,

            Vacarme,

La voie lactée,

            Passage,

De mémoire, brûlée,

Du ciel à la terre,

            Matérialité et spiritualité,

Dualité,

Métro des carmes,

            Vacarme,

            La voie lactée :

Echelle de traces

 

KARINE

 

 

 

 

La grotte des Carmes

 

 

 

 

De tout temps et en tout lieu les grottes servent de refuges pour tous les êtres, qu’ils soient humains ou non. Pour ceux qui cherchent un refuge pour la nuit, pour enfanter, panser des blessures ou reconstruire des destins brisés. Pour ceux qui cherchent par la méditation une Voie, convoitent par versets interposés l’espoir d’approcher et d’accéder au spirituel. Pour ceux qui espèrent s’accomplir par le silence et se refaire une âme fracassée, donner un sens à leur vie. À la vie. Pour ceux qui veulent grandir, s’élever et s’échapper de la hauteur d’homme. Pour ceux qui veulent se protéger et épargner les leurs des éléments et des affres de l’existence. Pour ceux qui sont appelés à transmettre la parole Divine. Tous habitent des grottes. Diable et Dieu se combattent en ces lieux en un combat permanent et inutile. Leurs disciples s’usent dans des incantations pour le sauvetage des âmes ou pour un ticket pour l’enfer.

Certains artistes y rencontrent leurs muses. Ils sont les plus heureux. Leurs bonheurs parfois nous parviennent. Nous submergent et sans vraiment comprendre l’œuvre on adhère à l’esprit des grottes. Mais souvent jaloux ils ne partagent pas leur œuvre. Mais pas tous.

Mais, ces lieux sont aussi les refuges des Démons, des diablotins  taquins et des êtres malfaisants qui y habitent et qui cherchent dans l’alliance avec l’obscurité une manière de s’amuser ou de d’accomplir de sombres desseins. Nuire. Depuis longtemps L’Homme, lui, a perdu la faculté de voir dans les ténèbres. Il ne l’a pas accepté. Seule la lumière lui sied. Hélas, son viseur nocturne ne fonctionne plus. L’instinct n’y est plus, il a disparu avec la perte de la faculté. Ne plus pouvoir voir dans un milieu hostile, mène à être désarmé. Désabusé. Egaré. Et pourtant dans le noir, l’obscurité érige les moments les plus délicieux de l’amour charnel.  Accomplis dans le noir les murmures se mêlent aux soupirs pour donner les couleurs d’une fête et d’un cadeau. Signes de vie.

Il y’a des milliers de grottes de par le monde et toutes sont habitées. Des territoires se tracent, des destins se croisent, des histoires se font et se défont et nous nous n’en savons rien.

La grotte du métro des Carmes a deux visages, un clair et un obscur. Un cerbère veille, un œil ouvert et un œil  fermé, il scrute nonchalamment les déplacements incessants des usagers du métro. Il y a ceux qui hésitent à y entrer et ceux qui sont pressés de quitter ce lieu clair-obscur et ceux qui y ont trouvé refuge. Mais personne n’est indifférent ni épargné par cette lumière défiante. Ce n’est pas un lieu macabre, c’est un lieu vivant.

Une entrée sombre liée à un long escalier mécanique attire et absorbe l’usager vers les quais, vers les abimes. A l’opposé, en vis-à-vis, parallèle et symétrique tracée au cordeau la sortie oriente l’usager vers la lumière du jour.

On a beaucoup glosé sur le jour et sa lumière et si peu dit sur la nuit et son côté sombre. Le côté obscure de la nuit règne mais ne domine pas. Tel ce miroir de Gustav Klimt qui emprisonne et unis des êtres dans un tableau qui reflète « la mort et la vie ». Sereins, beaux et colorés dans la clarté du sommeil mais, la mort guette. On ne peut s’y échapper tant que le miroir ne se brise pas. C’est un flash de vie. Un moment.

Les Carmes et les Carmélites, de cette demeure semi-souterraine, observent nos faits et gestes et nous on ne le peut pas, notre chamane intérieur s’est endormi depuis bien longtemps. Mais il y a quand même quelque chose de présent. Une présence. Une forte présence. Certains ne peuvent percevoir ces êtres immatériels que s’ils font appel à leurs sens. Les sens primitifs avec lesquels l’homme est né et qui sont toujours en nous. On est ensemble en ce lieu. Vraiment ensemble.

L’antre du métro des Carmes est immense. Dès le premier pas au seuil, dès le premier instant, on a l’impression d’être  aspiré,  d’être absorbé, d’être épié, d’être accueilli. Quelque chose nous enveloppe,  nous effleure, nous bouscule. Par qui ? Pourquoi ? Tout est vibration.

Si on regarde vers le bas des escaliers mécaniques, on a une forte sensation, si on regarde du bas des escaliers vers le haut on a une autre sensation d’une autre intensité. Ambivalence sur un même lieu au même moment. C’est le même sentiment quand on va vers une maison qu’on aime, ou qu’on quitte parce que la déteste. Mais quelque chose est à tout jamais imprimé en nous. On ne peut être désinvolte en ce lieu. De ce lieu.

Pour qui n’a pas approché la voute de cette grotte de près aura le sentiment de malaise, mais si on s’approche et si on la touche et qu’on regarde les détails ; certes le Diable est dans le détail ; ne peut comprendre, ni même avoir la possibilité et le moyen de poser des questions. Le toucher et la proximité donnent la sensation du vrai et du beau, fournissent un fragment de réponse, qui finit par faire  vibrer les sens.

Alors, pour les réponses à attendre de cette grotte il ne faut pas espérer, seul notre sentiment d’insécurité ancestral nous enveloppe. Que dégage cette grotte ? Il faut scruter centimètre carré par centimètre carré pour espère avoir un soupçon de réponse.

Les Carmes, les Carmélites, les contemplatifs et les contemplatives. Mais oui, c’est ça il faut contempler pour qu’une bribe de réponse nous effleure. Nous noyons encore plus dans les affres des non- réponses propagées par les mystères dégagés et nous pousse à aller encore  plus loin dans la visite des entrailles de la grotte.

Dès le premier contact avec la voute céleste on est surpris saisi et tétanisé par un sentiment qui s’apparente à l’angoisse. D’incompréhension au moins. De surprise surtout. On veut revenir sur ses pas. Le métro on s’en balance on peut prendre d’autre moyen de locomotion, notre époque est créative et généreuse et regorge de moyens de transports. Mais on y va quand même, on allonge le pas la tête en l’air. Cette mystérieuse atmosphère lourde, mais qui captive le contemplateur. Cette grotte offre le sentiment qu’elle est aussi protectrice que le ventre d’une mère, autant elle est répulsive pour celui qui n’arrive pas à l’apprivoiser.

Cette bouche de métro, cette grotte est vivante. Il faut le dire. Elle parle. Elle parle à celui qui sait écouter. Elle parle en silence. La voix brisée. Le corps calciné. L’âme meurtrie. Et mille mots s’y balancent pendus par les pieds. Mille mots qui chantent. Mille mots qui pleurent. Mille mots qui gémissent. Mille mots figés dans une voute céleste infinie. Un cri cristallisé figé à jamais comme un témoignage. Un cri de joie, un cri de colère, un cri d’effroi, allez savoir. Mais il est là. Un cri de témoignage des grottes de Lascaux des Carmes. Le cri des Hommes premiers et des Hommes de l’éternité ne fait qu’un.

Pour ceux qui ne savent pas et s’obstinent à questionner, pourquoi ? Pourquoi comme çà ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Quel hommage veut-on rendre ? Pour qui ?  Des mots de soi. Des mots pour soi.

Un petit garçon dit à sa maman pressée de quitter ce lieu : « Regarde, maman regarde ». Et est ensuite absorbé avec sa mère par l’escalier mécanique. Un escalier sans âme. Froid. L’enfant a vu quelque chose. Il a vu un ange, que les adultes ne peuvent voir. Les anges sont là. Vivant leurs vies au quotidien. Vivant leurs éternités. Cette grotte leur va à merveille, elle est faite pour eux. Seul un ange peut voir un ange, car ce petit enfant en est un.

Les Carmes, les Carmélites, l’escalier mécanique. Le spirituel et le matériel se côtoient vivent en bonne harmonie ? Non, c’est le combat éternel. Combat pour l’éternité. Les anges s’efforcent que les hommes ne se cognent pas contre l’escalier mécanique, ils guident leurs pas. Et la mécanique broie tout sur son passage. Un parking pour un cloitre cela vaut-il la peine ? Vaut-il le prix ?

Impression macabre. Impression lumineuse. Impression féerique et triste à la fois. On dirait du Tim Burton avec la vibration en plus. On sent un cœur battre, on hume la cendre, on est taquiné par les anges. Est-ce des anges ou des fantômes. Cela importe peu, on a le même effet car ils sont de la même matière : de l’éther. Il découle de la même essence : le rêve.

 

 

MESSAOUD

 

 
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 19 novembre 2011
 

Le crâne des Carmes

 

Brûlez-moi ce ciel que je ne saurais voir.

Roussissez à la flamme la voûte de mes pensées. Faites flamber cette boîte crânienne gigantesque et obscure.

Laissez s'infiltrer quelques rais de lumière dans les fissures osseuses noircies pour éclairer les millions de mots qui y sont enfermés, juste ce qu'il faut pour les deviner, les entendre susurrer, se consumer.

Enfermez les voyageurs dans cet espace temps contracté pour ne les laisser sortir qu'au compte-goutte comme une lente procession d'histoires.

Ecoutez-les hurler doucement.

 

PIERRE

 
 

Etre sous la voie lactée de la sciure, des carmes qui crament, qui rament, qui s’marrent …

Etre sous la voie lactée et regarder tous ces gens qui montent au ciel, et ceux qui en descendent, quel va-et-vient incessant.

Lieu insolite où il n’y a pas l’odeur de fumée, de papier brûlé, et pourtant il est partout, nous envahissant de ces traces noircies au feu, de ces écritures jetées à l’encre de charbon…

Comme une traînée de poudre, elle nous achemine jusqu’au fin fond des abîmes…

 

AGNES

 
 

LA METROLACTEE…L’ŒUVRE-REUNION

 

Au loin

Au bout de tout

Tout au bout

Direction là bas

Magnifique Présence laiteuse

Inaccessible, Indicible

 

Signe

Dans la nuit noire

Elle est

 

En ce lieu métallique

L’œuvre-Réunion

Vivante

Union de l’Ensemble de Nous

Là…Tout est Dit

Ecrit, Décrit, Inscrit

 

Lumière rouge

Attention voie impraticable, insensée

 

Lumière verte

Le chemin-passage est ici

 

Se laisser transporter

Au loin

Au bout de tout

Tout au bout

Direction là bas

C’est la sortie, l’issue, l’échappée…

C’est elle !

LA METROLACTEE…L’ŒUVRE-REUNION

 

 

BERNADETTE

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:16
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 19 novembre 2011
 

 

Quai de l'exil

 

Celui qui charrie autant d'eau a dû beaucoup pleurer. Le fleuve de larmes a transporté ici les esprits tourmentés sur le quai des exilés.

Celle qui passe devant moi va s'arrêter elle aussi, un peu plus loin. Elle a connu tant de souffrance que son cœur s'est durci jusqu'à couler au fond de l'eau et être roulé comme un galet par le courant.

L'endroit où nous sommes est un havre de paix pour mortifiés, le terminus des tourments, le sanctuaire des révolutions, la boîte aux cris calfeutrés, le cimetière des tueurs d'idées.

Celle dont le cœur vient de s'échouer là n'est pas vraiment seule. Des milliers d'autres se sont échoués au même point de non retour. Et l'histoire se répète et voit encore aujourd'hui une foule d'exilés, tels des fantômes arrivés en rang serré.

Je n'aime pas ce lieu. Il me fait peur. Une fête y a été célébrée. Il y grouillait une foule d'esprits errant là depuis leur fuite du régime. Ils sont bruyants. Ils disent tous la violence qu'ils ont vécu, et celle plus insidieuse qu'ils vivent encore. Ils hurlent au vent que l'exil est sans fin et sans retour. Ils prient le fleuve et supplient les vivants de prendre garde.

Car le quai de l'exil voit passer tous les trains des tourments voyageurs, ceux qui viennent comme ceux qui partent, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui.

Prochain départ : 15 h 56 par le train de l'espoir, direction fin de l'histoire.

 

PIERRE

 
Quai de l'Exil- Charlène Agnès
 

Celle qui a eu le courage de partir en exil, loin de ses terres ancestrales, de ses racines, de sa famille.

Celle qui s’est battue pour ses convictions, pour la liberté, la pensée libre et l’égalité.

Celle par qui tout a commencé, la confusion, l’explosion, la rébellion, agonisant dans la souffrance de l’avidité humaine, de la cruauté pure.

Celle par qui les sages les plus fous ont fait couler le sang des affreux, égorger les dictateurs et rayer de la page ces étrangleurs de vie.

Celle par qui la force a vaincu la peur, alliant résistance, vengeance et croyance.

Celle par qui arrive enfin la tolérance, la fin des souffrances et fait renaître le cœur de la vie, de la confiance, de l’amour.

Celle qui, un soir d’hiver, a cru voir briller dans ces yeux la fin d’une vie, la fin de la vie, celle qui était à vif, comme éperonnée et traînée au fin fond des égouts.

Celle qui a vu son corps se recouvrir de neige, un soir d’hiver, et sentir couler les larmes chaudes sur ses joues de sables.

Celle qui lui a tenu la main jusqu’au dernier battement de cœur, jusqu’au dernier souffle …

Celle qui …

 

AGNES

 
 

SUR LE QUAI DE L’EXIL

 

Celui qui part

Celle qui arrive

Celui qui ne voulait pas

Celle qui désire tant

Celui qui n’en peut plus

Celle qui rit

Celui qui glisse

Celle qui le soutient

Celui qui charge

Celle qui porte

Celui qui décide

Celle qui pleure

Celui qui hurle

Celle qui a froid

Celui qui est indifférent

Celle qui a faim

Celui qui est perdu

Celle qui trouve

Celui qui a peur

Celle qui regarde au loin

Celui qui embarque le premier

Suivit de tous les autres

Celle qui viendra… Enfin

Peut-être … si

Plus tard …

SUR LE QUAI DE L’EXIL

 

BERNADETTE

 
 

Celle dont je ne connais pas le nom,

Celle qui a été muselée et asservie pendant des années,

Celle qui s’est dressée contre ceux qui l’oppressaient,

Celle qui a dit tout haut ce que d’autres taisaient,

Celle qui ne pouvait plus fermer les yeux,

Celle qui a prouvé qu’il fallait se battre pour ses idées,

Celle qui était prête à en payer le prix,

Celle qui a porté la révolte à bout de bras,

Celle qui a risqué sa vie pour la Justice,

Celle qui nous a insufflé le goût de la liberté,

Celle qui a lutté avec ses frères d’armes,

Celle qui a porté haut les valeurs de la République,

Celle qui a sacrifié l’amour de son pays pour s’exiler,

Celle qui a enterré ses morts avant de se retourner,

Celle qui est partie pour mieux revenir,

Celle qui a fait le pari d’un avenir meilleur ailleurs,

Celle qui a débarqué dans cette ville,

Celle qui était assise à ma place sur ce quai,

Celle qui s’est battue pour changer les choses,

Celle qui a dit « après nous, plus jamais ça »,

Celle qui constate avec regret que l’histoire ne fait que se répéter.

 

RITA

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:14
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 19 novembre 2011
 
P1000850[1]
 

Sur l'autre rive, je suis allé.

Sur ce côté ensoleillé, j'ai trainé ma bonne humeur.

Je regardais passer les bateaux, les péniches. J'entendais les commentaires des guides gueulés dans des haut-parleurs mal réglés.

Je laissais couler ces instants comme un bout de bois glissant sur l'eau, se balançant joyeusement de ridules en ridules poussées par le vent.

A la terrasse d'un café, j'observais la rive nord avec inquiétude, terrifié par l'énorme bâtiment sombre plongeant ses pieds dans l'eau froide.

Là-bas, on y soignait. Devrais-je y aller ?

Mais ne m'y étais-je pas déjà rendu ? N'y étais-je pas en ce moment même ?

Je devais vérifier.

Un simple clignement de paupière et j'entrais dans le tourniquet des enfants abandonnés.

Je fermais les yeux et me retrouvais dans cet endroit imposant, glacé, exposé au vent mauvais.

De la mousse se répandait lentement dans les interstices des briques rongées par l'humidité.

Et je me découvrais, nu, les bras encapsulés dans la camisole des aliénés.

 

PIERRE

 
 

LUI…N’EST PLUS LA

 

Derrière ses vestiges

L’eau de la Garonne coule paisiblement

En haut de l’escalier le ficus, immense, se colle contre la fenêtre,

Tel un chat contre un radiateur

 Il doit être doit heureux là…

Sur les marches des escaliers

Les aspirants rédigent.

En bas dans l’entrée, les visiteurs rentrent

Euphorie de l’instant

Ils bavardent  bruyamment.

Un grand bruit revient sans cesse

 Je ne sais pas ce que c’est.

Peut-être une lourde table de fer

Trainée sans ménagement

Je suis assise là, sur une  marche de l’escalier

Face à la grande fenêtre

Contre laquelle se blottit le ficus-chat

 Derrière eux subsiste,

 De l’ancien pont de l’Hôtel-Dieu

Une ultime assise

LUI… N’EST PLUS LA

 

BERNADETTE

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:11
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes du 12 mai 2012
bar du matin écriture en binôme 

 

Les gens sont beaux à Toulouse.

Les forains débarrassent le marché, près du restaurant où nous avons déjeuné.

Pierre, mon comparse, et enrhumé mais il va se soigner, d’ailleurs je pense qu’il essaie de se soigner , qu’il essaie de se soigner !! Pierre qu’il ne guérisse pas, ce serait trop triste !!!

Devinez comment  s’appelle la boulangerie face au bistrot ? Le Farfadet, cela lui va bien à Pierre ou au boulanger ??

A côté, vins, olives et truffes : « A  l’œuvre »

Au fond de la ruelle, l’église dans laquelle Karine s’est apaisée… Comment s’appelle-t-elle cette église ?

L’église s’appelle, j’ai oublié, difficile le nom des églises…

Trois pantalons, pas rouges, gambadent sur le trottoir,

La musique banale, pourtant sympathique,

Pierre hésite sur son orthographe, il a tort,

Nouveau pantalon qui passe,

Une petite fille à pois multicolores, sucette au bec

Monsieur tatoué avec chapeau

La petite fille passe dans l’autre sens, 2 vélos dans la ruelle,

Vert scintillant, la croix de la pharmacie,

Eglise et croix, tiens donc !

Aujourd’hui pas de soleil, mais grosse voiture,

Une dame et sa petite fille font la manche devant le Farfadet

Plein de gâteaux, elles, verres en cartons, vides.

Interdit sauf aux vélos

Côté cour !

 

DOMINIQUE

 

 

bar du matin écriture en binôme2

 

Un bar. La table du coin, coincée contre le mur, tout près de la vitre. Pour voir. Pour observer. La vie qui va.

Fin du marché. On rentre tout. Dommage ! J’aime le marché. Cette vie dans la ville. Cette vie qui nourrit la ville.

Alors la vie se déplace, en terrasse. C’est un autre temps qui commence. Un temps pour le partage. Un temps pour sortir du temps, du temps organisé, du temps planifié. C’est un temps sans entraves. C’est le temps du week-end. La radio joue un air jazzy. Le temps peut prendre son temps.

La vie s’écoule. On partage des bières. On lit la presse. L’important c’est d’être là, avec ce temps pour soi.

Derrière nous, deux amoureux. Le journal qu’elle faisait mine de lire n’était qu’un prétexte : elle l’attendait. Et le voilà, son visage s’éclaire. Le journal est replié. Un temps pour la complicité.

Sur le trottoir d’en face aussi, deux amoureux ; ils se tiennent par la main.

La nonchalance du week-end s’installe. Seule la serveuse s’active. La pauvre ! Ce temps de nonchalance n’est pas pour elle !!

 

MIREILLE

 

 
 

Bar du matin. Silences … Apesanteur… Eclats de rires – Silences.

J’adore le bruit du percolateur dans un café ; Geneviève qui joue les reporters photographes ; à travers la vitre : l’envie…c’est le nom de la boutique au coin de la rue, « vins, olives et truffes » ; un journal oublié, une table vidée…traces ; tables débarrassées, tables en attente ;

C’est ainsi dans les cafés, on y vient seul ou à plusieurs pour y débusquer le temps, le temps du partage ou le temps retrouvé ;

Nouveau client…(…)

Et cette table, qui nous fait face et qui reste désespérément seule…

Terrasses et cafés crème me font penser à Serge Reggiani « Il suffisait de presque rien…peut être dix années de moins… » ;

Messaoud, attentif, les mains croisées, pensif ;

L’exercice troublé, perturbé par la venue de la bar-woman : il faut consommer ; Ce sera un déca pour Mireille !

Et la table qui a enfin trouvé preneurs ! Deux jeunes gens, branchés.

Etre branchés et consommer…la vie moderne !

Messaoud, souriant, la musique qui nous alanguie ;

14h14. Il n’est que 14h14 ! Le duo complété, silences, vite, vite que la cloche sonne la fin de l’exercice ; envie de changer la consigne, d’arrêter ce temps.

Trois copains, trois demis : deux blondes, une rousse ;

Combien de temps ? Combien de temps encore ?

Dernière chanson de Reggiani, paroles, écrits – Non pas comme cela ! Paroles et cris ! Il l’aime tant le temps qui reste !

Et le rock ? Fin de l’exercice ? Points d’exclamations !!!!!!!!!!

 

KARINE

 

 
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 19 novembre 2011
 

 

Bar du matin

 

Bar du matin, début d'après-midi, situation incongrue.

Pas de martini blanc solitaire. Pas de malaise et de culpabilité au comptoir.

Pas d'incertitude et d'hésitation car les consignes sont claires : les pensées seront dictées et les visions partagées. Ainsi soit-il.

 

Le jazz au coin de la rue, les jeans, les jupes, les lunettes de soleil qui passent, les smartphones collés aux oreilles, les enseignes des magasins accrochées aux yeux, les volets entrouverts, les bruits des verres sur les tables, les passants qui hèlent, les chaises déplacées, les odeurs de café et de cigarette mêlés, les belles lumières glacées d'automne et les courants d'air n'existent pas.

 

Je ne suis pas là.

 

Mes compagnons et moi sommes ailleurs, dans le miroir de ce qui est, quelque part entre la rue des Polinaires et le ciel bleu.

Nous observons derrière une glace sans teint avec la vision sélective d'un tueur fou au coin d'une rue.

 

Le regard des gens qui passent est soudainement balayé par le vent.

Et moi, toujours planant, je m'accroche désespérément à l'écoute de mon acolyte pour atterrir en douceur vingt minutes plus tard à la terrasse du bar du matin un automne en début d'après-midi.

 

PIERRE

 
 

Croix verte, Nicolas, discussion entre filles, langue anglaise, petit accent, observation.

Couple qui s’assied, passant qui passe, un bébé à casquette, un blouson qui s’échappe, bon chic bon genre, chaussures de sorcières, odeur de cigarette, petite brise légère…

Jazz, « Un café s’il vous plaît ! », passage étroit, y’a du monde qui passe, j’observe, j’écoute.

Ho !, un chaperon rouge ! « Je suis à l’affut de tout », « ho ! elle est trop belle ! ». Nouveaux voisins, odeur de pizza, elle doit être froide avec le temps qu’il fait …

Le monsieur a l’air fatigué, il a de grosses valises sous les yeux. Et celui-là, là-bas, il a l’air tout inquiet. Quand il parle, il fronce les sourcils, il a le pied qui gigote.

Un chien, la photographe, finalement la petite fille mange sa pizza. Le monsieur inquiet regarde par terre, il contracte sa mâchoire. Odeur de café, bruit de bistrot. Œil aux aguets, je cherche, je cherche …

Deux atchoums, un sifflement, un Lafayette qui se promène, un mouchoir dans une poche, une mère et sa fille. Démarche tranquille, un léger frisson … la police qui passe … hahaha !

Soupirs …

 

Y’a comme un silence qui flotte, juste là !

 

Un homme au casque blanc, un autre au Kway et à la casquette bleue.

L’homme inquiet à froid aux mains…

Un vieux solex…

On n’est pas trop mal ici.

Des gens qui font la manche, ils attendent.

D’où viennent-ils ? Le gobelet est vide. Les regards en disent long ? Nos voisins ont fini, le thé est bon, les feuilles volent, des rires, des regards …

 

AGNES

 
Place des Carmes- Rita Bernadette
 

STOP !  OH ! VOITURESSS !

 

La place… des voitures

 

Des paroles qui passent

Le vent soulève les feuilles

Une musique au loin

 

Des voitures, des voitures

Une écharpe grise,

Une cigarette, pouah !

Une petite fille blonde dans sa poussette

Non, non pas de café,

Place des Carmes, bar du Matin

Le soleil sur la façade jaune

 

Des voitures, des voitures…

Un couple âgé passe en  se tenant par la main

Voitures, encore des voitures, mon souvenir en  sera nourrit

A la terrasse les gens fument,

Le serveur joue à l’équilibriste

 

Des voitures, des voitures

Ah! Un vélo, chouette!

Un saxo au loin, hum ! J’adore

Rita et moi  changeons  de place

Tentative

Fuir les voitures

Une rue piétonne, monde sans  elles

Etals des marchands, multitude de fruits

La ville côté jardin.

Un enfant sur sa trottinette.

La vie.

STOP !  OH ! VOITURESSS !

 

BERNADETTE

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:08
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, samedi 19 novembre 2011
 
Hôtel d'Assézat- Pierre
 

Hôtel particulier

 

Cour ciselée, coursive élégante, brique noble et pavés dessinés paraissent se moquer du temps et de l'effervescence frivole de la rue en travaux et de ses boutiques.

Ce n'est pas un lieu, c'est un dessin.

Ce n'est pas un hôtel particulier, c'est une contraction du temps.

Le pastel en a fait la richesse, sublimant la brique en une noblesse apparente.

On entend au dehors le bruit des moteurs et les voix des gens ordinaires. Mais ici est exception. Ici se veut rareté. Ici on prend en photo le calme du lieu, tandis que dehors, on subit le bruit infernal de la fébrilité citadine.

Où sont donc les limites entre le beau et le laid, entre le noble et le miséreux ?

Est-ce la lourde porte d'entrée en bois serré par les années ou bien ce pan de mur voisin qui ose montrer sa décrépitude naissante ?

La limite n'est-elle pas ici même, dans l'apparence d'éternité, dans le détail trop parfait ?

Les visiteurs sont triés sur le volet. Ils portent tous une bague de brique taillée, signe de l'appartenance des gens bien élevés au clan très fermé de ceux qui savent apprécier.

Mais que savent-ils du figuier qui prend racine ici dans l'angle d'une marche, de la mousse qui s'invite entre les pavés, du mégot qui tente de résister au balai ? Ont-ils vu le rat qui se cache dans le soupirail et le petit garçon qui épie depuis la fenêtre aux vitres brisées de la vile maison d'à côté ?

La brique de ma bague a dû se briser.

 

PIERRE

 
 
Hôtel d'Assézat- Agnès
 

Un vol d’oiseaux.

Je les ai tous vus, depuis la grande verrière. Comme un feu d’artifice, ils se sont éparpillés tel un bouquet éclaté, partant dans mille directions et survolant les toits de tuiles roses.

Je les ai vus courir le ciel et le remplir de plumes, depuis la grande verrière ou j’admire cette vue. Carrée, pavée, rosée, agencée et captivante, la cour de l’Hôtel est mon invitée.

Je l’admire à chaque instant et chaque heure de la journée, observant les différentes teintes que la nuit et le jour lui donne, contemplant les abat-jours que laissent deviner les fenêtres arrondies.

Parfois elle se mue dans un silence profond, comme endormie, parfois elle laisse résonner des sons extérieurs à elle, mais sans jamais l’abimer, la froisser.

Petite chose précieuse, du haut de ma tour, elle tient dans ma main comme un secret gardé au chaud. Et lorsque le soleil se fait moindre, et que la nuit l’enveloppe, elle, cette petite boîte à ciel ouvert, revêt son manteau mystérieux et fait renaître les personnages d’une époque lointaine.

Loin du tumulte de la vie extérieure, des va et vient des visiteurs, les pavés renaissent de leur silence pour ne laisser entendre que les songes d’un soir, observés et rêvés, du haut d’une verrière.

 

AGNES

 
P1000839[1]
 

HÔTEL

 

La cour de l’hôtel d’Assézat,

Ici, Le temps

Cette parcelle mobile de l’immobile éternité,

Le temps semble s’être arrêté, là.

Briques roses du palais architecture complexe,

Désir de raffinement extrême

Aspiration  d’images voulues par ceux d’hier

À leur gloire

Quête de mémoire

Ne pas être oubliés

Continuer à vivre

Immobile éternité

Hâvre de paix ?

Un enclos silencieux  à l’écart de l’extérieur

Des bruits impétueux, Exubérants, fracassants,

Incohérents, disparates, parfois  étonnants.

À l’extérieur  de la cour pavée de l’hôtel

Des actions humaines

Sans cesse, la vie, coté bruit

A l’intérieur de la cour pavée

La vie côté enclos

HÔTEL

 

BERNADETTE

 
  P1000931
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:05

 

textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, le 19 novembre 2011
 
P1000900
 

Capitolium

 

Des cageots de fruits et légumes sont entreposés sur Cancer et j'ai le derrière posé sur un Sagittaire doré.

Une blonde à l'accent d'ici vend des pommes et croque l'une d'elles avec l'air de dire : j'm'en fous.

Ses fruits ont l'odeur des châtaignes et dansent avec une langueur monotone sur un orgue de barbarie.

Les gens d'ici ont tous un cœur de brique cuit au soleil. Ils parlent fort, rient et font la gueule toujours aussi fort. Au marché, ils achètent le fond de l'air avec un large sourire.

La belle fille croque une deuxième pomme. N'ai-je pas déjà vécu cet instant ?

Au cœur de l'agora, la contemplation du moment est à son comble.

Elle est belle, la vie insouciante sous le drapeau occitan qui sonne l'heure, l'heure de rejoindre mes compagnons au coin de la grand place bruyante et paisible à la fois.

 

PIERRE

 
 

Au gré du vent, les toiles de tentes ondulent. Les chapiteaux multicolores abritent du souffle capricieux les mets disposés et proposés.

Dans les cagettes en bois, attendent patiemment légumes et fruits, pains et brioches, confitures et salamis. Dans les allées se bousculent sacs et cabas, vélos et poussettes, d’où dégorgent courses et commissions. Il y en a pour tout le monde, pour tous les goûts.

On regarde, on cherche, on compare, on achète, on tâte, emballé c’est pesé !

Panier vert, rouge, condiments et cucurbitacées se font concurrence sur les étalages du vieux marché.

 

AGNES

 
 

C’EST   ICI

Carré rose

Presque parfait

A chacun de ses angles

Sont nées   des rues, percées vers ailleurs

Rendez vous est pris  là

Le mardi et  samedi matin

Le Marché bio

Oui, c’est là,

Ils sont tous venus avec leurs  espoirs.

Infinités de couleurs et senteurs…

Place du CAP comme ils disent.

 

Sous les arcades

Tables et chaises  accueillent 

Les assoiffés, les fatigués, les fumeurs, les contemplatifs

Les curieux, les bougons, les frigorifiés, les amoureux

Les gentils et ceux qui ne le sont pas

Tous,  elles les accueillent  tous

Tous  ceux qui désirent  s’assoir ici

Et vivre l’instant… là

 

Un mariage se prépare les invités arrivent

Chacun dans ses beaux atours

Le  groupe se forme

L’air enchanté

Allégresse de l’appartenance

 

Un très vieux monsieur

Espérant quelques pièces

Tourne la manivelle de son orgue de barbarie

Améliorer le quotidien

C’EST  ICI

 

BERNADETTE

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 19:59
textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, le 12 mai 2012
 

Samedi 12 mai 2012, gare de Toulouse Matabiau, 10 heures ;

Salle des pas perdus, caisse de raisonnance, capharnaüm de valises entassées, bruissement sourd de l’impatience des départs, regards inquiets rivés sur le panneau « Trains au départ », murmure des langues diverses ;

Entre-temps ;

Roulis des portes automatiques d’accès aux quais, pas trainés, pas pressés, cliquetis des distributeurs automatiques TER, brassage des âges, des âmes ;

Lien ;

De la proximité aux échappées lointaines, lignes à grande vitesse, quête du temps gagné, du temps consommé et pourtant temps perdu, temps dilué ;

Une poussette, un vélo, un bouquet de roses rouges, un parfum capiteux qui s’accroche à l’air, et puis l’envol des valises, transhumance de ces nouveaux voyageurs, effrénés, avides de découvertes et de nouveautés ; aucun regard ne se pose, ne s’arrête ;

Et puis, l’apaisement :

La salle des pas perdus évidée, un air de variété italienne qui peut enfin surgir – timidement -, apesanteur ;

Entre-temps ;

Bar-Cuisine, mouvement perpétuel, danse des valises - sans fin – indifférence, inattention, solitudes voilées, sourires éteints par l’attente.

 

KARINE

 

 

Un sac à l’épaule, une guitare dans le dos, un chien sous le bras ou une valise à roulettes que l’on tire…

Emporter avec soi un complément de soi. Un lien entre les deux vies, un lien entre les deux temps.

Et dans cet entre-temps justement, trouver une pause, trouver une place. Mais qu’en faire ?

Les indécis promènent leur valise, sans trouver le repos. Les préoccupés tapent sur le clavier d’un ordinateur ou sur celui d’un téléphone, peu importe, rester acteur, rester en lien. D’autres s’imposent une fausse  lecture dans le brouhaha de ce hall de gare. Les curieux enfin, observent. Ce sont peut-être les seuls à trouver, ou à accepter une vraie pause. A accepter l’inutilité de ce temps.

Car c’est bien là le souci. Que faire de ce temps imposé avant le départ du train ? Ce temps d’inactivité, ce temps à contre-temps.

Et puis, enfin, la voie de départ s’affiche. Libéré on s’active. On traîne son complément de soi vers un autre lieu, vers un autre temps, vers un autre soi.

 

MIREILLE M

 

 

10 heures : pas perdus pour tout le monde !

Toulouse partout : «  partoulouse » :

violettes, ballon de foot, briques, même l’ourson est violet

En fait, c’est bruyant une gare ! Un brouhaha de voix indistinctes

Maelström sonore

Rien n’échappe de compréhensible, de repères, juste un rire, des larmes, que de l’incohérence,

Frappant ces sons sans sens, rien d’audible.

Une religieuse en habit blanc, impassible.

Un livre dont sortent des lettres.

 Crécelles des roulettes des valises.

Une boutique qui s’appelle « croisière », bizarre, dans une gare.

Gare et-connexions, « relay », Hollande, relais.

« Information sur le prix des livres » : les livres n’ont pas de prix

Comme c’est chouette d’être dans une gare et de ne pas prendre le train

« Elle est où Mamie ? », s’échappe du brouhaha.

Soit les gens courent, soit ils traînent,

Parfois pressés, parfois en suspens

Claquement des talons très hauts d’une belle dame

Soudain, une musique, des klaxons dehors,

Quel luxe que celui de se poser pour écrire

Pourtant derrière les vitres, dehors le silence,

Deux garçons au même short rouge à fleurs

Mais l’un d’eux boite, je m’étonne,

Qu’ils ne boitent pas tous les deux, ils se ressemblent tant,

Que peut être l’un a cassé la jambe de l’autre pour s’identifier.

Bizarre, aucun appel de Mme SNCF, celle qui a la même voix dans toutes les gares

La religieuse a parlé puis s’est de nouveau installée dans son silence.

Matabiau, gare SCNF, tous les trains sont à l’heure.

 

DOMINIQUE

 

 

textes écrits par les participants du sentier d'écriture Matabiau-Carmes, le 19 novembre 2011
 
1matabiau
 

Une gare, ça pue le tabac froid et la poussière de ferraille.

Mais ça sent bon les croissants du matin et l'odeur du livre qu'on range dans la valise.

C'est une lourde larme qui s'effondre au sol dans le vacarme sourd d'une séparation.

Mais c'est un cœur qui bat la chamade au rythme de retrouvailles insoupçonnées.

C'est potentiellement rempli de sept milliard d'individus, de sept milliards de vies, de milliards de questions qui résonnent et étourdissent, et pourtant, on peut s'y sentir seul au monde.

Pourquoi alors ajouter des mots sur ce grouillement sonore, olfactif et visuel qui remplit déjà tout le hall et sature mes sens ?

Pour quoi dire ? Pour poser quelle autre question qui n'a déjà été posée ?

Les pas perdus ne doivent-ils pas le rester ?

Ce lieu est une succession de minuscules instants comme suspendus dans le vide, au milieu des pensées oubliées. Il est une bataille inégale et d'avance perdue entre l'immense affichage des horaires de train et la petite plaque commémorative des agents des chemins de fer morts au champ d'honneur.

Mais les pensées cachées ressurgissent toujours et je vois un ange qui se penche au dessus de l'épaule de chaque voyageur en attente, assis dans un entre-deux étrange. Ils semblent épier leur lecture, lire dans leurs pensées, plonger dans leurs émotions. Contrairement à moi qui opère par sélection visuelle, ils paraissent tout prendre, tout entendre, tout absorber de l'intimité de leur protégé. Que peut bien faire le mien en cet instant ?

Posté dans un coin du hall, mon regard est attiré par une petite armée de peluches d'enfance exposées dans la vitrine des désirs, comme tant d'autres objets de consommation sont mis sous notre nez pour être follement convoités.

Juste devant l'étalage, passe une belle fille qui traine derrière elle une dizaine de types tirés par le fil de leurs regards affamés.

Un passant achète un paquet de chewing-gum à deux euros qui va lui procurer sans aucun doute deux euros de plaisir buccal. Il n'achètera pas le paquet de regards gratuits qui passe devant lui.

Plus loin, un automate distribue des boissons et des sandwichs, un autre des billets de banque, un autre encore des billets de transport.

De son côté, un technicien s'affaire consciencieusement et méthodiquement à réparer l'un d'eux. A cet instant précis, il ne pense pas, ne rêve pas. Il calcule ses gestes. Il n'imagine pas une seconde qu'il puisse un jour être remplacé par un automate semblable à ceux qu'il entretient aujourd'hui et qui calculera mieux que lui encore.

Dans un recoin du bar donnant sur les quais ensoleillés mais encore frais, des petites tables sont dressées. Une sympathique odeur de pain chaud flatte mes narines tandis qu'une lourde porte ouvrant sur les quais grince terriblement.

A l'opposé du hall des voyageurs, derrière la grande baie vitrée donnant sur le parvis de la gare, un matelas pourri attend lui aussi parmi les odeurs de cigarettes grillées. Je me demande quelles ont été ses nuits pour finir si misérablement au milieu des jeunes cons et des vieux paumés, tous fumant nerveusement et semblant attendre leur dernière heure ?

Dedans, dehors, dans mes pensées, dans celles des autres, j'erre gentiment dans la salle des pas perdus guettant l'instant magique de l'inspiration libératrice. Je suis à la recherche d'un signe qui me guidera vers la sortie. Je suis finalement là où l'écrit me mène.

Je suis dans un entre-temps, perdu sur un sentier d'écriture, en croisière entre le bar-cuisine des ventes à emporter et le Relay H au rayon livres et magazines, perplexe devant le kit du voyageur - un simple peigne - et me demandant qui peut bien encore acheter ça.

Tandis qu'un air de jazz un peu suranné envahi l'espace du hall, un léger frisson me parcourt le dos. Je me dis que j'observe plus que je ne voyage.

Je me dis que j'ai dû vieillir.

 

PIERRE

 
 

Caisse de résonance

 

Comme des fourmis, les voyageurs se pressent, se croisent. Bagages à roulettes, à main, à dos, à bandoulières, ça grouille sur un fond sonore de faux jazz auquel personne ne prête attention, sauf peut-être ceux qui écrivent et qui tendent l’oreille.

J’observe comme dans une bulle à part, cet incessant va et vient d’humains, d’odeurs, de paroles, toutes ces paires d’yeux rivés sur ce grand panneau d’affichage, comme si leur vie dépendait de ces chiffres tant attendus et espérés…

La monnaie claque, les pièces tombent, Jack Pot ! Le ticket est signé, la personne peut y aller !

 

Quelques regards perdus, qui cherchent, qui attendent, ou qui peut être n’espèrent plus.

« Une petite pièce Madame ? ». Les souliers vernis, le rouge à ongles orange, le portable à l’oreille, elle cherche son interlocuteur dans cette mélasse de passagers. Et hop, elle n’est plus là !

 

Ha ! tiens, la revoilà, la dame aux souliers vernis, elle a trouvé sa copine qui elle aussi a l’air très distinguée …

 

Un chien, un violoncelle, une sonnerie de téléphone, le bruit des roulettes, un ticket composté, une odeur de café, un brouhaha de paroles, une trompette et quelques notes entraînantes, un rire d’homme, des pas pressés, des pieds qui traînent, un toussotement, des bruits de clés, Armstrong ? Du vrai Jazz dans une gare, le tambour ronflant du tapis roulant, un coup de sifflet, un homme qui écrit, là debout, d’autres qui courent, deux poussettes, un enfant dont la voix résonne dans cette caisse de résonance, sous les applaudissements des auditeurs de Jazz… Armstrong en concert …

Tiens, je reconnais l’air ….

Une caisse à chat bien ficelée, un homme qui balaie …

Il me veut quoi lui ? Il me regarde bizarre. Il tourne en rond, je le vois faire, le regard sombre, les yeux noirs, Armstrong est parti et laisse place à Sinatra, le monsieur bizarre est parti aussi, « You and I » chante Franck, il ne manque plus que les acteurs américains dansant au milieu de la salle des pas perdus, comme dans un vieux film New-yorkais en noir et blanc…. Sauf que ma voisine, au téléphone, me ramène à la vraie vie et me tire de ce court métrage … Russe ? Tchèque ? Je ne comprends rien, ça me perturbe, ses paroles me troublent et ne vont pas avec la musique, mais que fait Franck ?

Selecta pendant ce temps-là a du succès, café, thé, les gobelets se succèdent et les pièces de monnaies s’empilent. « Boisson en préparation, merci ».

 

AGNES

 
 

BOUILLON

Relay, ici relais ?

Lait, laid, si-gean…les grandes erreurs…

La révérence de l’autruche,

Partir, voir, voyager,

Billets, achats, retraits, échanges,

Tee-shirt orange, écouteur vissés  dans les oreilles,

Assis sur le sol…attendre…

Trains au départ à l’heure, à l’heure…à l’heure…

Sélecta, grande boîte rouge gourmande de pièces…

80% de puissance en plus, lapins roses,

Assis sur les bancs ils, elles attendent…

Croisière, vente, achat carré rose SNCF,

Info trafic : travaux du…au…

Hommage …mémoire…nos glorieux…

Faits…guerre, champs d’honneur

Ils sont là inscrits, des centaines

Accès aux trains…

Les immortels : le 23 novembre

Apprendre à méditer….time out !

Le temps dehors ? Où hors du temps ?

Salle d’attente Entretemps

Votre mini album instantané

N’ayez plus peur du noir

Métro M, Objets trouvés une série d’enfer,

Chien muselé, je m’assois, je l’admire.

Un homme passe en se dandinant

Il porte un pantalon à la mode

À moitié fesse, haut du slip à l’air

Il y croit …Phileas sucré salé.

Verres vides abandonnés sur les tables

Roulettes de valise qui vibrent

Musiques décousues

Blablabla, téléphone collé à l’oreille

Elle parle : blablabla…l’air concentré, sérieux

Hochant la tête comme si l’autre était là près d’elle.

 

Un petit, les yeux cerclés de lunettes bleues,

Joue sur la table avec une petite voiture rouge.

Sous la table, il écrase sans cesse le pied de son père.

Attirer l’attention…

Ne plus se ressentir seul…

Promotion zéro

Le Sub du jour est à 2,90€

Vous dégustez…

Un paradis sous les étoiles !

Le hall  s’est vidé de  moitié

Règne…un calme relatif

Rien ne s’oppose à la nuit

Brive la gaillarde supprimée…

ORIENTATION…RUE…PLAN…TRANSPORTS…QUARTIER… INDEX…SITE…INTERVENTION   CONFORT…SECURITE…REMPLACEMENT…PROXIMITE…10 JOURS…MERCI…BOUILLON

 

BERNADETTE

 
 

Inspiration

 

Je prends une grande inspiration.

Comment décrire cet endroit que je traverse tous les jours ?

La gare est témoin de mes jeux préférés : la course après les trains.

Je me prête au jeu, entrainée par le va-et-vient des voyageurs.

 

Aucun visage ne m’est connu, il y a juste ma vieille amie la gare.

Mon attention se porte d’abord sur le tableau central où s’inscrit le départ des trains.

Je me demande d’où viennent les voyageurs et où ils vont ?

Leurs regards ! Ils scrutent le tableau comme hypnotisés.

Bon voyage !

 

Un train arrive en gare.

J’entends des voix, un brouhaha.

Les voyageurs investissent la gare, brisant l’équilibre fragile entre ceux qui arrivent et ceux qui partent.

Une odeur détourne mon attention de ce spectacle.

Hum ! Une odeur de croissants chauds.

Tel un serpent, je me faufile dans la foule pour trouver son origine.

 

Un groupe de jeunes soldats est au comptoir du PILEAS.

Ils sont coupés du monde, pris dans leur conversation.

Ils sont si jeunes ! Je me demande s’ils ont déjà fait la guerre ?

 

Je m’arrête dans un espace d’attente de la gare.

Quel calme tout à coup !

J’entends de la musique. C’est du jazz, je crois.

Une photo attire mon attention :« Sony, n’ayez plus peur du noir » J’en parlerai à la maison ce soir.

 

La gare se vide et se remplit à nouveau, tout doucement.

L’attente, encore.

C’est drôle, le bruit du compostage des billets me semble si familier !

Un nouveau bruit arrive à mes oreilles. Il vient de loin, c’est un bruit de Tam Tam.

 

Je regarde les gens passer, ils ont l’air si préoccupés, désabusés, fatigués, comme s’ils portaient sur leurs épaules un poids plus lourd que celui de leurs bagages.

La gare se vide à nouveau.

Un agent SNCF se fait interpeler. Au moins, il n’est pas en grève.

Un homme fait la manche. Tout le monde l’évite. Pourtant, le malheur n’est pas contagieux.

 

Ce bruit encore ! Je ne sais d’où il vient.

Boum ! Boum !

Il devient plus fort. Il me rappelle ces vieux films sur les galères avec le son des tambours pour donner la cadence.

J’entends aussi un saxophone. Les sons se mélangent, donnant des notes discordantes.

 

Je lève les yeux, une publicité sur Cuba : « Ici le temps se conjugue au passé »

Ils ne croient pas si bien dire ! Le temps est carrément arrêté. Dans la gare, il ne s’arrête jamais.

 

Ce bruit m’intrigue. Je veux savoir, je m’en approche.

C’est l’escalator qui ne marche plus.

Il est devenu un simple escalier.

 

RITA

 
 

LE LIEN

 

            J'ai toujours adoré la gare, peut-être à cause de mon passé. C'est ici que j'ai gagné mon grade de chapardeur, adolescent. Quel plus beau terrain de jeux aurais-je pu avoir : une certaine densité, mais pas trop compacte, trop facile sinon, le métro c'est pour les amateurs. Être là, à errer dans la froidure de l'attente, sièges en acier, sol en marbre, un haut plafond que personne ne regarde jamais. Et ici, au milieu de gens, anonymes un peu comme dans le brouillard, des ombres, on voit en rouge comme des yeux surplombant la foule des chauffages. Dérisoire comme si ces cyclopes chauffants pouvaient chasser le brouillard d'entre les gens qui attendent, leur redonner visage, les rendre frères à nouveaux.

            Je vois des potentialités, des gens qui se cherchent, mais pas en regardant le quai. Ils se regroupent autour d'un homme barbu, se vissant à une table de bar. Ça devient une cible, quelque chose d'intrigant, peut être monnayable. Je m'approche, m'assois sur un banc juste à côté d'eux, j'écoute. Mon plus grand don, que j'ai forgé en talent, c'est d'être anodin, banal. Avec du travail, je suis devenu invisible, monsieur tout le monde. Un petit peu de matériel et beaucoup d'effort devant le miroir et je peux être 20 personnes différentes. Comme la vue n'est pas fiable et les témoignages imprécis, en changeant de posture, on rajoute des lunettes, on retourne sa veste, et hop je suis un autre. Pratique pour mon métier.

            Passage de cartes postales toutes identiques : un moyen de se reconnaître, de rentrer dans des zones gardées. Distribution de carnets. Tout le monde à l'air au courant et choisit son carnet avec avidité. Un repérage, ils partent en repérage. Mais de quoi et pourquoi, le pour qui on verra plus tard. Des consignes sont données, il faudra que j’apprenne à lire sur les lèvres. Tout le monde se lève et commence à errer dans la gare. Suis-je repéré ou c’est pour brouiller les pistes. Deux restent sur place, l'un s'assoit à côté de moi. Le cahier est vide, les pages blanches, à grosses spirales, la couverture porte le mot sentier. Étrange. Au bout de quelques minutes, ils se lèvent et commencent à errer dans la gare.

            Comportement incompréhensible, sans ligne conductrice, je ne comprends pas. Cinq minutes après le début de leurs déambulations, le chef, le barbu, ramène un dernier élément de la troupe. Présentation à la directrice. Je capte quelques prénoms: le barbu c’est P, la nouvelle recrue Ae et la directrice G. G donne des consignes. Ae prend son carnet et part faire son périple de gare. Au bout de quelques minutes, l'équipe se réunit, les liens se reforment. J'arrive à discerner les derniers prénoms, il y a au total cinq femmes : B, R, Ae, C , la directrice G et trois hommes : le chef P, A et Pi.

            Nouvelles consignes, le groupe file vers les souterrains et se dirige vers le métro. Certains achètent leurs tickets, j'ai le temps de me changer, j'enlève mon polo bleu et me retrouve avec un tee-shirt vert, retourne ma veste qui devient rouge, une casquette je me redresse bien et je suis un nouvel homme. Je les précède. Le temps que la rame arrive, je sors mon micro transformé en baladeur. Ils ne montent pas dans la rame, j'ai failli me faire avoir. Je me cache contre l'escalator. Vont-ils ressortir et me voir, est-ce une technique pour décourager les poursuivants ? Ils ont l'air rusé, il faudra que je me méfie et fasse attention.

Ma poursuite toulousaine commence. Arrêt au Capitole. Nouvelles consignes. Ils s'éparpillent dans le marché, ça va être coton. Je suis A qui se dirige décidé vers les bâtiments du Capitole. Rendez-vous avec un contact. Il s'arrête devant la salle des Illustres, porte close, il fait, demi-tour, me croise. Je suis invisible, je le bouscule, il n'a rien dans les poches. Je fais quelques pas et me change à nouveau dans un coin. Bonnet vert, lunettes de soleil, je sors un pull noir de mon sac. Je retourne sur sa piste. A se poste en face de la pharmacie et sort son carnet. Je me mets au bar derrière lui, commande un café et prépare mon appareil photo. Je vois G sur la même ligne de plot. Mais qu'écrivent-ils? Il n'y a rien ici à part le marché. Ils tournent le dos aux bijouteries. Je ne comprends pas. C'est pas pour un casse, ça reste un mystère, j'adore les mystères. Mon café n'en est que meilleur avec ce petit goût du secret.

            Je regarde les parasols colorés des étals bouger avec le vent. Doucement, en surimpression, les formes deviennent des fleurs et la place un champ. Un clignement et la réalité refait surface. Le soleil me chauffe, les lunettes sur l'échoppe me fixent de leur regard vide, semblant me critiquer pour les mauvaises actions passées et à venir. Une senteur de miel, de sucrerie, des couleurs tournoyantes, me revoilà au milieu dans la prairie aux fleurs géantes. Les acheteurs sont des insectes butinant les fleurs des commerçants. Oups, j'ai failli rater le départ. Faut pas rêver quand on filoute.

            Ils se regroupent, fin de la pause, bref conciliabule puis départ du groupe. Ils déambulent rue Alsace Lorraine. Derrière une tôle de chantier, je perds une partie du groupe. Je dois rester concentré, ils ressortent du petit passage de l'église, il y en a dans le groupe qui connaisse bien Toulouse. À cause des travaux, je n'arrive pas à comprendre leurs conversations. Je reste sur ma faim. Je prends des photos, ça pourra servir pour vendre les informations.

            La poursuite devient étrange, je commençais à glisser dans un état singulier, les lieux que je côtoyais depuis ma naissance deviennent insolites. L'hôtel d'Assezat, me plongea au cœur d'un roman de cape et d'épée. En fin de matinée, je vis le soleil se lever sur un jeune homme couché sur les pavés. Il discute avec les statues et visages empierrés qui tapissent les façades. Même les lions gardant la porte racontent leur histoire. Une sombre malédiction figeait sur la pierre de la bâtisse les victimes de duel avec les maîtres des lieux. Chaque visage raconte son passé, sa mort violente, et son élévation sur la pierre. Le jeune homme, perdant sa vie, se faisant envahir par la froideur de la pierre ne semblait pas triste. Un sourire éclaire son visage pendant que l'obscurité gagne son regard.

            Quand la vision disparut, certains des emplacements encore vides dans ma scénique étaient porteurs de faciès souriants. Ma torpeur dura encore quelque temps. Mon lent réveil faillit me coûter ma chasse. Je les trouvais plus loin, à croire qu'ils m'attendaient, en discutant. La suite devint de plus en plus floue. Un petit repas pour eux, un sandwich pour moi.

 

Place des Carmes- Charlène Alain

Et après le plus long café que j'ai vu, la chasse a repris. Un périple dans l'océan de la ville, je voyais la masse de gens comme les ondulations de la houle. J'avais l'impression d'être une ancre traînée par son navire. Nous avons accosté à l'Hôtel-Dieu, juste à coté d'un phare. J'émerge comme un naufragé en rentrant dans le bâtiment, les poumons vides mais la tête remplie d'images noyant mon intellect. Ils se sont placés sur les marches comme des mouettes sur un rocher, à regarder la Garonne bouger, sans doute en quête de navires. J'ai retrouvé mes esprits, du moins pour le moment. En fouinant, je mis le nez dans le vestiaire où trônais avec un bel uniforme de gardien. Face à lui naquit l'envie de participer un petit peu à leur aventure. À défaut d'être un des héros, je pourrais être l'épouvantail, le pirate. Je me changeais, chaussait de grosses lunettes, appelai le personnage parmi mes hôtes. J'attendis leurs descentes des marches, les interceptai sur le palier et jouai mon rôle dans l'histoire. "Vous êtes montés à l'étage !", phrase que je répétai plusieurs fois, ignorant leurs réponses, essayant de marquer leurs imaginaires, d'instiller de l'inquiétude. Voilà, ils sortent. Je vais m'asseoir moi-aussi sur ces marches, rocher au dessus de la Garonne, et regarder derrière la fenêtre de l'Hôtel-Dieu.

Une grande ouverture quadrillée de métal, déformée par le verre ancien. Chose surprenante et normale, seule la vue peut la traverser. Il n'y a plus d'odeur ni de son de l'au-delà. Pour le moment, c'est l'au-delà. On ne peut que voir des scènes de vie extérieure, dont les gens disparaissent derrière les montants de la fenêtre. Le fleuve coule, car je sais que c'est le fleuve, mais ne je vois qu'une portion d'eau mouvante.

L'au-delà existe-il ? Il a existé, car j'ai marché dedans. Mais existe-t-il quand je suis derrière la fenêtre ?

Je joue à bouger la tête pour voir se déplacer l'au-delà entre les petites fenêtres. Certaines sont immobiles, d'autres mouvantes, d'autres encore bleues. Des mouettes viennent d'apparaître sur la bouée. Étrange de dire qu'elles n'existent peut-être que dans cette vitre et que personne de l'au-delà ne les voit.

L'une s'envole et traverse les vitres, passant d'une vitre à l'autre. Peut-être la preuve que l'au-delà dépasse l'empilement de vitres, chacune ayant son image.

Je rêve, comme dans un jeu d'enfant, de déplacer ma mouette sur sa bouée dans le ciel.

J'en suis convaincu, il y a bien un au-delà, délimité par cette grande ouverture vitrée, limitée à droite et à gauche par les murs épais de ce bâtiment.

Mais seule ma vue me montre l'au-delà et elle est peu fiable. Dehors je vois le vent agiter les feuilles, dedans l'arbre devant la fenêtre ne bouge pas.

Ma réalité bute sur les fenêtres. Au loin des gens, des passants, traversent mon au-delà. Ce sont toujours les mêmes qui passent ? Que se passe-t-il quand ils rentrent dans le mur ? Ils disparaissent et comme dans les jeux pour enfants, ils reviennent de l'autre côté.

Ah ! l'au-delà est un jeu de dupe pour les étrangers.

Me revoilà sur ces marches froides. Il est temps de partir. Cette chasse m'a plu même si je n'ai pas ramené de souvenir, à part peut être quelques coquillages dans ma tête, comme une trace de cette journée. Je rentre, me transforme une dernière fois en petite dame âgée. J'aime bien rentrer en métro avec elle.

J'arrive aux Carmes, je remonte sous cette immense feuille versée d'encre. Ma réalité vacille encore une fois. Et je m'élève vers cette chose noire.

            Notre vie est formée d'un ciel lumineux de nos écrits que ce soit des lettres d'amour, la liste de nos courses, nos contrats assurance, banques. Bref, notre vie de citoyen, une vie externalisée, est contenue, cryptée, étalée par ces écrits. De temps à autre, comme les zones noires du plafond, certaines zones illisibles nous offrent des foyers de liberté, un lieu où on peut être nous-mêmes. De nos premiers gribouillis enfantins à nos premières rédactions, nous avons des murs d'écrit devant nous. On est content que ce lieu d'écriture, quelque part, nous soutienne, brille vers nous. Mais avec l'âge, le poids de nos écrits ou des écrits sur nous peuvent peser, nous déformer. On aimerait, rêverait une déchirure, un déversement d'encre de chine qui balaierait des pages entières, nous offrirait des pages non pas vierges, on ne peut arrêter le temps qui écrit derrière nous, mais illisible. On se dit qu'en grattant, on pourrait écrire en blanc une autre histoire.

            En butant en haut des escalators, j'émerge l'esprit poisseux. Mes anciens gibiers sont là. Une dernière rencontre qui comme la première est fortuite. Je me dirige vers P, lui pose des questions, prends l'air perdu. J'en profite pour sonder ses poches. Je ne veux rien prendre, peut-être lui laisser un souvenir de moi. Qui sait quand il regardera dans sa poche, s'il se demandera d'où vient ce petit grelot.

 

 

ALAIN

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 19:53
 

 

Ratures.

Dés le départ de la retraversée. Les mots débuts, passés dépassés.

Reste.

Rue 1814  et ses coups de feux.

Entre

Pas grand chose, une descente

d'un lieu vers l'autre:

Et me voici à « l'entretremps »

le temps d'un café.

 

Lieux de passages du temps qui file en wagons.

Des pas perdus, des voix métalliques, les corps se croisent

Corps projetés en lignes droites, d'un lieu l'autre.

Des hommes des femmes, des femmes des hommes

des hommes/femmes des femmmes/hommes

et des enfants toujours en devenir

Et puis cette plaque aux agents de la Cie du Midi

avec leurs remerciements 14/18

                                          39/45

                                          Algérie

                                          Maroc

                                          Indochine

 

D'un lieu l'autre :

Bouche de métro des Carmes

Voie lactée de papiers flambés cramés collés reliés,

Noir des feuilles trouées, d'écrits glacés, marbrés

Défilé des escaliers:

Des traces de pas se glissent

Sous la glissière des escaliers

Des traces de pas

Ecrits

 

D'un lieu l'autre :

Appuyer sur le parapet

Balade de l'oeil, changer de points de vue

Je deviendrai....

Mes yeux les lignes

Lignes d'oiseaux sur l'eau, lignes d'eau

Lignes du parapet sur mon corps

Regards mesurant les écarts des lignes, des lieux

 

Le ciel prêt à se déverser

Sur l'eau des mouettes, des canards

 

Le goéland n'est pas le mâle de la mouette    comme

Le crapaud n'est pas le mâle de la grenouille

Il faudrait le dire, le gueuler un bon coup !

Appuyer tranquille sur le parapet battu de vent.

Un Chevalier Guignette, longe le quai

Il s'agite comme un reflet d'eau et s'envole

Avec des ailes en forme de faux.

 

 

 

D'un autre lieu :

Un hotel Dieu, ma foi pourquoi pas?

Des escaliers de pierres des mains courants le fer

Un silence d'écriture,

Un vaste espace ou derrière une baie vitrés le cormoran fait le guet.

 

Le dernier lieu:

 

Au sortir de l'hotel Dieu

C'est tout de suite l'empêchement

De continuer  de cheminer

Mais empêchement n'est pas perdus

Arrêt, suspention, déroute,

repli - plié sur soi

Empêchement de soi à soi

Les lieux empêchant quoi?

 

Empêchement:

Cailloux dans la chaussure

grain de sable dans l'engrenage.

 

 

Marcel Grange

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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 10:51
 

 

Va, emprunte le sentier et donne de tes nouvelles !

   Qui s’exprimait ainsi ? Je ne sais. Certainement un ancien, un sage, une personne encourageant un ami, un parent, un apprenti, à se rendre où ? Mystère ! Et j’ignore concrètement à qui cette injonction s’adressait. Je l’ai entendue par hasard à l’entrée de la station SNCF du Métro, je me rendais à Jolimont ; réceptif je l’ai  saisie au vol ! Mais j’ignore de quel sentier il était question. En ville on trouve des allées, des avenues, des boulevards, des cours, des rues, des voies, des impasses, des venelles, des ruelles, des cheminements, des passages ; rarement des sentiers. Celui auquel je pense ne peut-être borné d’abris bus, il ressemble plutôt à une piste, où seule une observation attentive des traces d’invisibles prédécesseurs révèle la direction : une piste devenue un sentier ouvert sur les portes du voyage ! En partance pour l’équilibre, je le cherche chaque jour lors de mes déplacements, dans l’espoir de le découvrir là où passé et futur font racines et fenaison. Là autour des moments présents. je le cherche parmi les fragments divers, éclatés, éparpillés, en fouillis en moi ; puis redécouverts par une élaboration lente, tâtonnée, souvent recommencée. Je le cherche, sur quelques parcelles parmi les milliards de lieux de notre univers. Je le cherche là où je vois, j’entends, je sens, je perçois, j’imagine le Monde. J’aime débusquer les sourires d’avenirs pour les partager.

 

   En avance sur mon rendez-vous, je m’installe ‘Salle des pas perdus’, que j’appelle ‘ Salle des carrefours’ ou ‘Salle des sentiers battus’. J’espère entrevoir le début du sentier que j’imagine.

   Face  à l’entrée, sur le panneau des départs, s’affichent les horaires. L’attention des voyageurs est sollicitée par les roulements de cliquetis du changement de lettres et de chiffres.

   A côté sur un écran électronique, défilent des informations : « Bienvenue à la Gare Matabiau. Grippe H1 N1 : le Ministère de la Santé communique…en cas de fièvre… consultez votre médecin… » La presse par gros titres, disserte sur « Que veut dire être français ? » Tout est ordinaire. Le noir des vêtements impose la couleur dominante de l’hiver. Au rythme des annonces, surgissant de partout : valises à roulettes, talons hauts, baskets et chaussures de ville, par petits pas de danse, esquissent des ballets.

   Passe une patrouille en tenue de combat.

   Un garçonnet en manteau et bonnet rouge, se cache dans la forêt des pas perdus, s’amuse des recherches et appels de sa sœur.

   Un jeune couple sur une banquette. Elle, blottie contre lui, le caresse et dépose un baiser sur sa tête aux cheveux ras. Lui, fuyant du regard la pendule du départ, s’immerge dans l’intimité.

   Au milieu du hall, entre deux grandes portes vitrées, sont gravées, sur des plaques de marbre, les vies arrêtées de 500 cheminots morts à la guerre de 14-18 et de 50 morts à celle de 39-44. Sur la façade du côté de la rue, une plaque commémorative honore les cheminots combattants pour la Libération de Toulouse le 18 Août 1944. Plus haut, sur le fronton du bâtiment, construit en 1905 est inscrit : « Compagnie des Chemins de Fer du Midi ».

   Au-dessus, enchâssée dans le mur, une grosse horloge rappelle les horaires.

   Tout en haut, à hauteur des toits flotte, attaché à sa hampe, l’emblème-symbole de la Nation, née au cours des temps, elle n’a pas toujours été et n’est pas pour toute éternité. Elle fut défendue des occupants, non pour les trois couleurs couchées sur l’étoffe, mais pour les trois principes : liberté, égalité, fraternité, dans l’espoir qu’ils rayonnent sur un territoire sans frontière.

   Attentif aux traces des invisibles prédécesseurs, je lis ce que ceux-ci ont écrit sur l’écran électronique : « Bienvenue à la gare Matabiau. Le personnel de la ‘Compagnie de Voyageurs de toutes Nations’, vous souhaite un bon voyage.         Ce 30 décembre le jour gagne une minute sur la nuit ».

 

‘Salle des pas perdus’ roulettes, talons hauts, baskets et chaussures de villes cessent leurs ballets, chaperon rouge tient la main de sa sœur, quittant leur banquette refuge, elle et lui s’enlacent  de « bientôt ». Tous vont, compostent leurs billets, empruntent passages souterrains et escalators puis attendent sur les quais leur voie annoncée.

 

Moi, je ne vais pas sur le quai.

   Sur une vieille enveloppe,  j’écrie pour consolider ma mémoire, ce qu’en ce moment je perçois : Arrive du côté quai, une grande dame. La  douceur du visage dit son âge avancé. Le regard sa sagesse. Cheveux  grisonnants retenus par une fine lanière de cuir. Vêtements usés. Sandales fatiguées. Sac de plastique multicolore. Sans valise. Voyageuse discrète. S’efface salle des pas perdus, va, je ne sais où ? Il me semble l’avoir déjà croisée, ou simplement rêvée !

  Au sujet de la recherche de sentier je rajoute une réflexion : Chercher au pif je ne sais quoi, le nez au vent, croire au hasard, ou espérer un miracle, reste aléatoire et fatiguant. S’il y a des traces, où mèneront elles, que laissent-elles supposer ? L’enthousiasme du feu follet s’effrite.

 

    Lentement je replie ma vieille enveloppe annotée et part rejoindre mes amis.

 

  Nous avons rendez-vous au croisement de la rue du Libre Echange devant le salon de coiffure « Elle et Lui », un peu avant la rue de 1814, entre Jolimont et la gare. Nous devons préparer les fêtes de fin d’année. L’air frais m’invite à m’y rendre à pied.

  A hauteur de la Médiathèque José Cabanis, un jeune homme qui observait les jalousies de la façade côté sud-ouest, m’accoste.

   - Bonjour monsieur, excusez-moi, savez-vous sur quel emplacement a été construite la Médiathèque ?

Surpris, mais gourmand de conversations, je décide de prendre mon temps; mes amis sont toujours en retard à nos rendez-vous.

   - Oui ; c’était pendant des années une zone sans affectation bien précise, laissée après la démolition en 58 de l’ancienne Ecole Vétérinaire. A la même époque, à Toulouse, on refaisait le pont Saint-Michel. L’actuelle Ecole se trouve Chemin des Capelles.

   - Pas n’importe quelle année. Mon père m’a souvent parlé de la guerre en Algérie et du 13 Mai 58, De Gaulle… etc.

Il marque un court silence, puis reprend.

   - Je regardais les effets du soleil voulus par l’architecte, et je faisais la comparaison avec la façade nord-est de l’Institut du Monde Arabe à Paris, inauguré en 87. Le système, qui devait modifier à chaque changement d’heure l’orientation des moucharabiehs, fonctionne mal. Ici c’est le soleil qui change les couleurs de la façade. La technique aurait-elle des limites ? Ou, peut-être que le soleil est plus sûr ? Conclut-il avec un sourire taquin.

Son esprit piqua ma curiosité. J’avais remarqué son foulard avec l’écusson rouge et noir du Stade Toulousain, mais pas son pantalon noir de velours côtelé, pincé à la hauteur des chevilles et le long de la cuisse tel un fourreau, la poche étroite du mètre. Certainement un compagnon charpentier ouvert sur le monde d’aujourd’hui, supporter de notre équipe de rugby, ma curiosité augmente.

   - En ce qui concerne, je précise, l’Ecole des  vétos et les soins aux animaux, à Toulouse les éboueurs n’utilisent plus de voitures hippomobiles depuis la fin des années 50. Aujourd’hui les vaches n’ont plus de cornes et les chats ne chassent plus, on leur offre l’obésité en remplacement.

   - Vous n’aimez pas les bêtes ?

   - Si ; mais on pourrait multiplier les exemples pour dire que les métiers changent peut-être plus que les écoles ? C’est l’histoire mouvementée entre une caisse à outils et une valise de livres ! Dans l’éclatement général que nous vivons, chacun  veut labelliser le morceau de monde qu’il a récupéré. C’est le cas de l’Université, elle est par exemple, tour à tour : Populaire, du Troisième Age, du Temps Libre, de Tous les Savoirs, d’Eté du PS, de l’UMP, les Cafés sont Citoyens, Philosophiques, Géographiques. Eduquer, diffuser, partager les savoirs, chacun se dit spécialiste sur sa parcelle !

Il m’interrompt.

   - Vous êtes amer, ou pessimiste je ne sais pas. Personnellement je vois les choses différemment.

   - Oui, comment ?

   - Sans être un intellectuel, ni un grand lecteur, je constate comme vous,  que la concurrence et les rivalités existent dans tous les domaines. Mais en ce qui concerne les rapports entre la caisse à outils et le sac à livres, il y a quelque chose que vous oubliez : la méthode dite « la main et le cerveau », celle qu’on utilise pour unir des pièces de bois. Je vous l’explique façon artisanale.

   D’abord dessiner l’objet que l’on veut réaliser : dans votre cas définissez mieux ce que vous cherchez.

   Choisir les systèmes d’assemblage relever le nombre et les dimensions des pièces ; pour vous, rendez perceptibles les indices que vous avez, regroupez les, puisez dans vos notes.

   Choisir l’essence du bois, chêne, merisier, tilleul, robinier, ou modeste peuplier : ne pas choisir par principe les essences d’apparences.

   Tracer, au gros crayon, les pièces à débiter, éviter les nœuds, supprimer l’aubier, respecter le fil du bois, et d’un ton affirmatif pour capter mon attention, il dit : c’est là que commencent les difficultés, ‘la main et le cerveau’ ne peuvent plus se séparer.

   Son rythme de parole s’accélère et se fait plus profond, comme le souffle du sprinteur. Il enchaîne par petites phrases …

   Manier la scie à refendre et longer le tracé.

   Dégauchir avec le riflard et la varlope, dans le sens du fil.

   Tracer les assemblages.

   De mains fermes tenir bédane et maillet, mortaiser.

   Positionner son corps, poignée souple et assurée,

   Auriculaire replié contre la lame,

   Guider la scie avec précision et sans hésiter

   Couper les traits en deux pour tenonner et araser.

   C’est fait il suffit d’assembler.

… pour conclure : les techniques, les outils évoluent et les machines prolongent les mains, de même que les couleurs, les goûts changent et vous avez raison, chacun veut grossir sur son pré carré. Mais l’action commune de la « main et du cerveau » est ce qu’il y a de mieux pour construire le monde. Ce n’est pas une question d’école, mais de savoir en construction.  Le trait tracé, en prévision de la forme voulue, puis pourfendu sur toute sa longueur est le résultat du travail pensé et de la pensée travaillée. C’est vrai en Mongolie comme en Afrique.

 

   Arrivés au croisement Bernard Ortet, malgré mon vif désir de poursuivre notre bout de chemin et d’engager la discussion sur les conditions de travail, le capital, la finance, le patrimoine culturel… nous nous sommes séparés.

Pris au dépourvu par la spontanéité de nos échanges, l’aventure s’est arrêtée, sans que nous ayons eu la présence de communiquer nos mails.

 

   Enfin, rue du Libre Echange, là où mes amis m’attendent pour préparer le réveillon du nouvel an. Ils habitent rue de 1814, date de la dernière bataille de l’Empire, avec d’un côté Napoléon 1er, et de l’autre une coalition anglaise, espagnole et portugaise. Aujourd’hui est dressée au cimetière Terre Cabade un obélisque en souvenir des Braves morts pour la Patrie.

   Le drapeau, la nation, les morts pour la libération, tous ces ‘mots traces’ je les frotte avec l’idée de savoir en construction, dite de la « main et du cerveau ». Je m’en amuse intérieurement, là où en moi de multiples sentiers se croisent. Là où se trouve depuis longtemps ton souvenir d’Emilio, le grand-père italien de mon amie.

  Jeune journalier agricole, embauché à la journée, sans garantie de travailler le jour suivant, encore moins de percevoir les indemnités chômage, marié au début de 1915 l’année de tes 23 ans. Quelque temps après tu déchiffres, mots par mots ta feuille de mobilisation et part sur le front. Tu n’es pas au pays quand ta femme met au monde votre fille aînée. Quatre ans plus tard, armistice de la grande boucherie. La paix, les médailles, les émotions, la fierté des héros, les pensions de reconnaissance et l’espoir de « plus jamais ça ».  Toi, le soldat au passé invisible, tu dors à même le sol et, dans un cri de possédé, brusquement hurles « À l’assaut ! A l’assaut ! » Même avec le temps, tu continues de ne confier les violences vécues qu’à tes cauchemars. Tu fais du vin ton ami et de tes proches des ennemis à combattre. Epuisé, isolé en maison de retraite, recroquevillé dans ton lit, tu balbutie en silence tes dernières larmes. Je laisse les miennes inonder mon âme. Tu as 80 ans en cette année 1971. Au fond du tiroir de ta table de nuit une lettre récente, non ouverte. Espoir de lire ton premier et ultime écrit ? Non ! Le Ministre des Anciens Combattants te décore pour des actes de bravoure. Soixante ans après ! Soixante ans de cris étouffés, de pensées non partagées. Soixante ans d’existence invisible.

   De toi Emilio j’ai découvert les traces, de ta présence invisible, elles sont l’émotion de l’homme que je suis.

   Le vent, la pluie, la terre, le soleil, les arbres, les fleurs t’accompagnaient dans ton dur travail de paysan sans terre. Tes mains savaient tenir avec assurance les outils de ton métier, tu savais lire la nature. Mais on t’a mobilisé pour être un guerrier. De ta main ensanglantée, prolongée par le poignard tu as percé la poitrine de l’ennemie. Tu as gardé en toi ce corps à corps de regards effrayés. Tu ignorais la puissance de destruction et la folie guerrière, comme je ne sais évaluer celle amplifiée d’aujourd’hui. Le souffle des bombes  n’est pas le souffle de notre origine. Toutes les nuits pendant des années tu as étouffé en toi celui de la vie. Comme toi, on m’a appris que l’homme, chef viril doit se prémunir de la sensiblerie. Une ânerie que ce raisonnement. Etre homme c’est faire partie d’une chaîne de paternité, non de guerrier. Dans ton regard j’ai perçu l’intensité de ce dialogue sans parole, tu as stimulé ma pensée, j’aurais aimé t’écouter, écouter la longue  et patiente construction de l’humanité. Au fond de moi tu es devenu un de mes grands-pères, tu m’as fait un de tes héritiers, moi l’étranger à ton pays.

 

  C’est le dernier jour de l’année, tu aurais aimé boire avec mes amis pour les moissons, les battages, le blé engrangé, nous trinquons aujourd’hui à la réussite de nos ‘pourquoi travailler’ ?  Et que ne soit plus jamais bafoué enfant, femme, homme. Puis nous adressant nos vœux personnels déposés sur un tapis d’Orient par St. Nicolas, le père Noël, la Bèfane, les Mages ; sous le regard bienveillant des Dieux nous nous disons « Bonne Année ».

 

 Janvier 2010, j’ai ouvert un nouveau carnet de voyage. Le rituel des fêtes de fin d’année est terminé. Adieu solstice d’hiver, adieu nativité, place au roi cadeaux, place aux fêtes païennes de la consommation ! Et après, comme chaque année ; tout solder !

 Les ‘mots traces’ chaque jour je continue à les cueillir. Et ce matin, installé face au Pont Neuf sur la rive droite de la Garonne, au Bar ‘Le Filochard’, les mains cernant une tasse de chocolat chaud, je les cherche parmi les titres de la presse des premiers jours de l’année. Il y a les répétitifs qui font écho au panneau électronique de la ‘Salle des pas perdus : « La grippe H1 N1, les stocks restants seront revendus » et l’éternelle question « Que veut dire être français ?» qui ne cesse de s’enliser et réapparaître. Mais je remarque deux reportages sur les émeutes raciales contre des journaliers africains lors de la cueillette des mandarines au sud de l’Italie les 7 et 8 janvier 2010, en Europe.

   Le 7 janvier 2010, à Rosarno, en Calabre, des bulldozers ont effacé jusqu’à la trace des immigrés. Des tirs contre des journaliers agricoles togolais ont dégénéré en émeutes dans la petite ville italienne.

   Emeutes racistes en Calabre : une piste mafieuse à l’étude. Après l’agression contre des journaliers immigrés, la Ndrangheta serait mise en cause pour avoir voulu influencer les prix agricoles.

Concrètement effacées par des bulldozers, ces traces acérées sans enveloppe poétique, fond rentrer en moi la réalité de femmes et d’hommes transformés en marchandises pour être soldés.

 

Va, emprunte le sentier …

Pour cela, je me hisse au dessus du parapet arrondi qui longe les quais de la Daurade et de Tounis pour les prolonger sur chaque côté du pont. En équilibre je me déplace imperceptiblement pour que mon point de vue se mette à bouger.

A la droite du Pont Neuf, le pont Saint Pierre, à sa gauche le pont Saint Michel, le Pont Neuf est le plus ancien. Solidement encré sur le fond caillouteux du fleuve, avec ses 7 arches et son dos légèrement voûté, arqué, bouté, il assure le passage vers la rive gauche, vers l’ancien octroi de la Gascogne, pays de la légende des Mousquetaires.

Toujours perché sur le parapet, j’entends ce que les mots me disent et que les yeux ne voient pas. Il y a entre Saint Pierre qui tient les clés du Paradis et Saint Michel l’Archange de l’annonce faite à Marie, un passage au nom laïc de Pont Neuf. Il abouti rue de la République ! Aujourd’hui, l’ouverture de boutiques aux couleurs et noms  d’Afrique et  d’Asie parmi les anciens commerces et artisanat, égaye la République.

 

Delà, je vous adresse cette courte nouvelle en construction.

   Il est huit heures. Encore ensommeillée, Laya se glisse dans son bleue-jeans.

L’effleurement de cette grosse toile adoucie par de nombreux usages, l’éveille telle une caresse.

   Le temps complice promet une journée ensoleillée.

   Elle aime la couleur bleue de ce banal pantalon, né de différents pays, devenu symbole d’une jeunesse sans frontière.

   Elle choisit ses petites chaussures blanches, ballerines légères pour les danses urbaines.

   Elle les nomme « Mes Pumas ».

   Elle se love dans son chandail de fine étoffe rouge éclatant, trait d’union entre la fierté de ses jeunes seins et la force de ses vingt ans.

   Ses ancêtres Peules, bergers nomades des pays du Sahara, du Sénégal et du Mali lui ont offert son élégante silhouette, ses fines nattes noires ébène, sa peau ombre et soleil, et ses ancêtres occitans lui ont offert l’accent des beautés d’ici.

   Parisienne pour quelque temps elle est heureuse d’accueillir sa mère. Une grande dame dont  la douceur de son visage dit son âge avancé et le regard reflète la sagesse de ceux qui savent tous les noms que les hommes donnent aux Dieux.

   Ce 8 mai 2010 la Nation a fêté comme chaque l’armistice. Flotte encore le jour suivant sous l’Arc de Triomphe, le drapeau tricolore pour une commémoration timide et discrète de l’abolition de l’esclavage.

   Laya et sa mère ne portent pas d’attention aux noms militaires des rue qu’elles viennent de traverser : Grande Armée, De Gaulle, Kléber, Foch, elles savent ce que sont les guerres et le colonialisme.

   Sur le trottoir un saltimbanque au nez rouge chante, moqueur « La paix c’est bon pour les mazettes, les mères, les femmes et les sœurs. Bougres d’andouilles que vous êtes. L’homme est né pour faire la guerre et ceux qui ne sont pas contents ont juste le droit de se taire à droite, alignement : Autant… » Un touriste cherche le bon angle pour une photo de l’Arc de triomphe, un autre met une pièce dans le chapeau de l’artiste. Les deux femmes se sourient.

 

Laya, femme d’Afrique, femme d’ici,

Beauté de l’humanité de tout temps métissée

  Laya, symbole de la République,

  Aux frontons des écoles et des mairies,

  Nous sculptons la Marianne d’aujourd’hui !

 

En première page du carnet de voyages est écrit de René Char :

« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».

 

 

 

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Marcel Bruyère

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