Va, emprunte le sentier et donne de tes nouvelles ! Qui s’exprimait ainsi ? Je ne sais. Certainement un ancien, un sage, une personne encourageant un ami, un parent, un apprenti, à se rendre où ? Mystère ! Et j’ignore concrètement à qui cette injonction s’adressait. Je l’ai entendue par hasard à l’entrée de la station SNCF du Métro, je me rendais à Jolimont ; réceptif je l’ai saisie au vol ! Mais j’ignore de quel sentier il était question. En ville on trouve des allées, des avenues, des boulevards, des cours, des rues, des voies, des impasses, des venelles, des ruelles, des cheminements, des passages ; rarement des sentiers. Celui auquel je pense ne peut-être borné d’abris bus, il ressemble plutôt à une piste, où seule une observation attentive des traces d’invisibles prédécesseurs révèle la direction : une piste devenue un sentier ouvert sur les portes du voyage ! En partance pour l’équilibre, je le cherche chaque jour lors de mes déplacements, dans l’espoir de le découvrir là où passé et futur font racines et fenaison. Là autour des moments présents. je le cherche parmi les fragments divers, éclatés, éparpillés, en fouillis en moi ; puis redécouverts par une élaboration lente, tâtonnée, souvent recommencée. Je le cherche, sur quelques parcelles parmi les milliards de lieux de notre univers. Je le cherche là où je vois, j’entends, je sens, je perçois, j’imagine le Monde. J’aime débusquer les sourires d’avenirs pour les partager. En avance sur mon rendez-vous, je m’installe ‘Salle des pas perdus’, que j’appelle ‘ Salle des carrefours’ ou ‘Salle des sentiers battus’. J’espère entrevoir le début du sentier que j’imagine. Face à l’entrée, sur le panneau des départs, s’affichent les horaires. L’attention des voyageurs est sollicitée par les roulements de cliquetis du changement de lettres et de chiffres. A côté sur un écran électronique, défilent des informations : « Bienvenue à la Gare Matabiau. Grippe H1 N1 : le Ministère de la Santé communique…en cas de fièvre… consultez votre médecin… » La presse par gros titres, disserte sur « Que veut dire être français ? » Tout est ordinaire. Le noir des vêtements impose la couleur dominante de l’hiver. Au rythme des annonces, surgissant de partout : valises à roulettes, talons hauts, baskets et chaussures de ville, par petits pas de danse, esquissent des ballets. Passe une patrouille en tenue de combat. Un garçonnet en manteau et bonnet rouge, se cache dans la forêt des pas perdus, s’amuse des recherches et appels de sa sœur. Un jeune couple sur une banquette. Elle, blottie contre lui, le caresse et dépose un baiser sur sa tête aux cheveux ras. Lui, fuyant du regard la pendule du départ, s’immerge dans l’intimité. Au milieu du hall, entre deux grandes portes vitrées, sont gravées, sur des plaques de marbre, les vies arrêtées de 500 cheminots morts à la guerre de 14-18 et de 50 morts à celle de 39-44. Sur la façade du côté de la rue, une plaque commémorative honore les cheminots combattants pour la Libération de Toulouse le 18 Août 1944. Plus haut, sur le fronton du bâtiment, construit en 1905 est inscrit : « Compagnie des Chemins de Fer du Midi ». Au-dessus, enchâssée dans le mur, une grosse horloge rappelle les horaires. Tout en haut, à hauteur des toits flotte, attaché à sa hampe, l’emblème-symbole de la Nation, née au cours des temps, elle n’a pas toujours été et n’est pas pour toute éternité. Elle fut défendue des occupants, non pour les trois couleurs couchées sur l’étoffe, mais pour les trois principes : liberté, égalité, fraternité, dans l’espoir qu’ils rayonnent sur un territoire sans frontière. Attentif aux traces des invisibles prédécesseurs, je lis ce que ceux-ci ont écrit sur l’écran électronique : « Bienvenue à la gare Matabiau. Le personnel de la ‘Compagnie de Voyageurs de toutes Nations’, vous souhaite un bon voyage. Ce 30 décembre le jour gagne une minute sur la nuit ». ‘Salle des pas perdus’ roulettes, talons hauts, baskets et chaussures de villes cessent leurs ballets, chaperon rouge tient la main de sa sœur, quittant leur banquette refuge, elle et lui s’enlacent de « bientôt ». Tous vont, compostent leurs billets, empruntent passages souterrains et escalators puis attendent sur les quais leur voie annoncée. Moi, je ne vais pas sur le quai. Sur une vieille enveloppe, j’écrie pour consolider ma mémoire, ce qu’en ce moment je perçois : Arrive du côté quai, une grande dame. La douceur du visage dit son âge avancé. Le regard sa sagesse. Cheveux grisonnants retenus par une fine lanière de cuir. Vêtements usés. Sandales fatiguées. Sac de plastique multicolore. Sans valise. Voyageuse discrète. S’efface salle des pas perdus, va, je ne sais où ? Il me semble l’avoir déjà croisée, ou simplement rêvée ! Au sujet de la recherche de sentier je rajoute une réflexion : Chercher au pif je ne sais quoi, le nez au vent, croire au hasard, ou espérer un miracle, reste aléatoire et fatiguant. S’il y a des traces, où mèneront elles, que laissent-elles supposer ? L’enthousiasme du feu follet s’effrite. Lentement je replie ma vieille enveloppe annotée et part rejoindre mes amis. Nous avons rendez-vous au croisement de la rue du Libre Echange devant le salon de coiffure « Elle et Lui », un peu avant la rue de 1814, entre Jolimont et la gare. Nous devons préparer les fêtes de fin d’année. L’air frais m’invite à m’y rendre à pied. A hauteur de la Médiathèque José Cabanis, un jeune homme qui observait les jalousies de la façade côté sud-ouest, m’accoste. - Bonjour monsieur, excusez-moi, savez-vous sur quel emplacement a été construite la Médiathèque ? Surpris, mais gourmand de conversations, je décide de prendre mon temps; mes amis sont toujours en retard à nos rendez-vous. - Oui ; c’était pendant des années une zone sans affectation bien précise, laissée après la démolition en 58 de l’ancienne Ecole Vétérinaire. A la même époque, à Toulouse, on refaisait le pont Saint-Michel. L’actuelle Ecole se trouve Chemin des Capelles. - Pas n’importe quelle année. Mon père m’a souvent parlé de la guerre en Algérie et du 13 Mai 58, De Gaulle… etc. Il marque un court silence, puis reprend. - Je regardais les effets du soleil voulus par l’architecte, et je faisais la comparaison avec la façade nord-est de l’Institut du Monde Arabe à Paris, inauguré en 87. Le système, qui devait modifier à chaque changement d’heure l’orientation des moucharabiehs, fonctionne mal. Ici c’est le soleil qui change les couleurs de la façade. La technique aurait-elle des limites ? Ou, peut-être que le soleil est plus sûr ? Conclut-il avec un sourire taquin. Son esprit piqua ma curiosité. J’avais remarqué son foulard avec l’écusson rouge et noir du Stade Toulousain, mais pas son pantalon noir de velours côtelé, pincé à la hauteur des chevilles et le long de la cuisse tel un fourreau, la poche étroite du mètre. Certainement un compagnon charpentier ouvert sur le monde d’aujourd’hui, supporter de notre équipe de rugby, ma curiosité augmente. - En ce qui concerne, je précise, l’Ecole des vétos et les soins aux animaux, à Toulouse les éboueurs n’utilisent plus de voitures hippomobiles depuis la fin des années 50. Aujourd’hui les vaches n’ont plus de cornes et les chats ne chassent plus, on leur offre l’obésité en remplacement. - Vous n’aimez pas les bêtes ? - Si ; mais on pourrait multiplier les exemples pour dire que les métiers changent peut-être plus que les écoles ? C’est l’histoire mouvementée entre une caisse à outils et une valise de livres ! Dans l’éclatement général que nous vivons, chacun veut labelliser le morceau de monde qu’il a récupéré. C’est le cas de l’Université, elle est par exemple, tour à tour : Populaire, du Troisième Age, du Temps Libre, de Tous les Savoirs, d’Eté du PS, de l’UMP, les Cafés sont Citoyens, Philosophiques, Géographiques. Eduquer, diffuser, partager les savoirs, chacun se dit spécialiste sur sa parcelle ! Il m’interrompt. - Vous êtes amer, ou pessimiste je ne sais pas. Personnellement je vois les choses différemment. - Oui, comment ? - Sans être un intellectuel, ni un grand lecteur, je constate comme vous, que la concurrence et les rivalités existent dans tous les domaines. Mais en ce qui concerne les rapports entre la caisse à outils et le sac à livres, il y a quelque chose que vous oubliez : la méthode dite « la main et le cerveau », celle qu’on utilise pour unir des pièces de bois. Je vous l’explique façon artisanale. D’abord dessiner l’objet que l’on veut réaliser : dans votre cas définissez mieux ce que vous cherchez. Choisir les systèmes d’assemblage relever le nombre et les dimensions des pièces ; pour vous, rendez perceptibles les indices que vous avez, regroupez les, puisez dans vos notes. Choisir l’essence du bois, chêne, merisier, tilleul, robinier, ou modeste peuplier : ne pas choisir par principe les essences d’apparences. Tracer, au gros crayon, les pièces à débiter, éviter les nœuds, supprimer l’aubier, respecter le fil du bois, et d’un ton affirmatif pour capter mon attention, il dit : c’est là que commencent les difficultés, ‘la main et le cerveau’ ne peuvent plus se séparer. Son rythme de parole s’accélère et se fait plus profond, comme le souffle du sprinteur. Il enchaîne par petites phrases … Manier la scie à refendre et longer le tracé. Dégauchir avec le riflard et la varlope, dans le sens du fil. Tracer les assemblages. De mains fermes tenir bédane et maillet, mortaiser. Positionner son corps, poignée souple et assurée, Auriculaire replié contre la lame, Guider la scie avec précision et sans hésiter Couper les traits en deux pour tenonner et araser. C’est fait il suffit d’assembler. … pour conclure : les techniques, les outils évoluent et les machines prolongent les mains, de même que les couleurs, les goûts changent et vous avez raison, chacun veut grossir sur son pré carré. Mais l’action commune de la « main et du cerveau » est ce qu’il y a de mieux pour construire le monde. Ce n’est pas une question d’école, mais de savoir en construction. Le trait tracé, en prévision de la forme voulue, puis pourfendu sur toute sa longueur est le résultat du travail pensé et de la pensée travaillée. C’est vrai en Mongolie comme en Afrique. Arrivés au croisement Bernard Ortet, malgré mon vif désir de poursuivre notre bout de chemin et d’engager la discussion sur les conditions de travail, le capital, la finance, le patrimoine culturel… nous nous sommes séparés. Pris au dépourvu par la spontanéité de nos échanges, l’aventure s’est arrêtée, sans que nous ayons eu la présence de communiquer nos mails. Enfin, rue du Libre Echange, là où mes amis m’attendent pour préparer le réveillon du nouvel an. Ils habitent rue de 1814, date de la dernière bataille de l’Empire, avec d’un côté Napoléon 1er, et de l’autre une coalition anglaise, espagnole et portugaise. Aujourd’hui est dressée au cimetière Terre Cabade un obélisque en souvenir des Braves morts pour la Patrie. Le drapeau, la nation, les morts pour la libération, tous ces ‘mots traces’ je les frotte avec l’idée de savoir en construction, dite de la « main et du cerveau ». Je m’en amuse intérieurement, là où en moi de multiples sentiers se croisent. Là où se trouve depuis longtemps ton souvenir d’Emilio, le grand-père italien de mon amie. Jeune journalier agricole, embauché à la journée, sans garantie de travailler le jour suivant, encore moins de percevoir les indemnités chômage, marié au début de 1915 l’année de tes 23 ans. Quelque temps après tu déchiffres, mots par mots ta feuille de mobilisation et part sur le front. Tu n’es pas au pays quand ta femme met au monde votre fille aînée. Quatre ans plus tard, armistice de la grande boucherie. La paix, les médailles, les émotions, la fierté des héros, les pensions de reconnaissance et l’espoir de « plus jamais ça ». Toi, le soldat au passé invisible, tu dors à même le sol et, dans un cri de possédé, brusquement hurles « À l’assaut ! A l’assaut ! » Même avec le temps, tu continues de ne confier les violences vécues qu’à tes cauchemars. Tu fais du vin ton ami et de tes proches des ennemis à combattre. Epuisé, isolé en maison de retraite, recroquevillé dans ton lit, tu balbutie en silence tes dernières larmes. Je laisse les miennes inonder mon âme. Tu as 80 ans en cette année 1971. Au fond du tiroir de ta table de nuit une lettre récente, non ouverte. Espoir de lire ton premier et ultime écrit ? Non ! Le Ministre des Anciens Combattants te décore pour des actes de bravoure. Soixante ans après ! Soixante ans de cris étouffés, de pensées non partagées. Soixante ans d’existence invisible. De toi Emilio j’ai découvert les traces, de ta présence invisible, elles sont l’émotion de l’homme que je suis. Le vent, la pluie, la terre, le soleil, les arbres, les fleurs t’accompagnaient dans ton dur travail de paysan sans terre. Tes mains savaient tenir avec assurance les outils de ton métier, tu savais lire la nature. Mais on t’a mobilisé pour être un guerrier. De ta main ensanglantée, prolongée par le poignard tu as percé la poitrine de l’ennemie. Tu as gardé en toi ce corps à corps de regards effrayés. Tu ignorais la puissance de destruction et la folie guerrière, comme je ne sais évaluer celle amplifiée d’aujourd’hui. Le souffle des bombes n’est pas le souffle de notre origine. Toutes les nuits pendant des années tu as étouffé en toi celui de la vie. Comme toi, on m’a appris que l’homme, chef viril doit se prémunir de la sensiblerie. Une ânerie que ce raisonnement. Etre homme c’est faire partie d’une chaîne de paternité, non de guerrier. Dans ton regard j’ai perçu l’intensité de ce dialogue sans parole, tu as stimulé ma pensée, j’aurais aimé t’écouter, écouter la longue et patiente construction de l’humanité. Au fond de moi tu es devenu un de mes grands-pères, tu m’as fait un de tes héritiers, moi l’étranger à ton pays. C’est le dernier jour de l’année, tu aurais aimé boire avec mes amis pour les moissons, les battages, le blé engrangé, nous trinquons aujourd’hui à la réussite de nos ‘pourquoi travailler’ ? Et que ne soit plus jamais bafoué enfant, femme, homme. Puis nous adressant nos vœux personnels déposés sur un tapis d’Orient par St. Nicolas, le père Noël, la Bèfane, les Mages ; sous le regard bienveillant des Dieux nous nous disons « Bonne Année ». Janvier 2010, j’ai ouvert un nouveau carnet de voyage. Le rituel des fêtes de fin d’année est terminé. Adieu solstice d’hiver, adieu nativité, place au roi cadeaux, place aux fêtes païennes de la consommation ! Et après, comme chaque année ; tout solder ! Les ‘mots traces’ chaque jour je continue à les cueillir. Et ce matin, installé face au Pont Neuf sur la rive droite de la Garonne, au Bar ‘Le Filochard’, les mains cernant une tasse de chocolat chaud, je les cherche parmi les titres de la presse des premiers jours de l’année. Il y a les répétitifs qui font écho au panneau électronique de la ‘Salle des pas perdus : « La grippe H1 N1, les stocks restants seront revendus » et l’éternelle question « Que veut dire être français ?» qui ne cesse de s’enliser et réapparaître. Mais je remarque deux reportages sur les émeutes raciales contre des journaliers africains lors de la cueillette des mandarines au sud de l’Italie les 7 et 8 janvier 2010, en Europe. Le 7 janvier 2010, à Rosarno, en Calabre, des bulldozers ont effacé jusqu’à la trace des immigrés. Des tirs contre des journaliers agricoles togolais ont dégénéré en émeutes dans la petite ville italienne. Emeutes racistes en Calabre : une piste mafieuse à l’étude. Après l’agression contre des journaliers immigrés, la Ndrangheta serait mise en cause pour avoir voulu influencer les prix agricoles. Concrètement effacées par des bulldozers, ces traces acérées sans enveloppe poétique, fond rentrer en moi la réalité de femmes et d’hommes transformés en marchandises pour être soldés. Va, emprunte le sentier … Pour cela, je me hisse au dessus du parapet arrondi qui longe les quais de la Daurade et de Tounis pour les prolonger sur chaque côté du pont. En équilibre je me déplace imperceptiblement pour que mon point de vue se mette à bouger. A la droite du Pont Neuf, le pont Saint Pierre, à sa gauche le pont Saint Michel, le Pont Neuf est le plus ancien. Solidement encré sur le fond caillouteux du fleuve, avec ses 7 arches et son dos légèrement voûté, arqué, bouté, il assure le passage vers la rive gauche, vers l’ancien octroi de la Gascogne, pays de la légende des Mousquetaires. Toujours perché sur le parapet, j’entends ce que les mots me disent et que les yeux ne voient pas. Il y a entre Saint Pierre qui tient les clés du Paradis et Saint Michel l’Archange de l’annonce faite à Marie, un passage au nom laïc de Pont Neuf. Il abouti rue de la République ! Aujourd’hui, l’ouverture de boutiques aux couleurs et noms d’Afrique et d’Asie parmi les anciens commerces et artisanat, égaye la République. Delà, je vous adresse cette courte nouvelle en construction. Il est huit heures. Encore ensommeillée, Laya se glisse dans son bleue-jeans. L’effleurement de cette grosse toile adoucie par de nombreux usages, l’éveille telle une caresse. Le temps complice promet une journée ensoleillée. Elle aime la couleur bleue de ce banal pantalon, né de différents pays, devenu symbole d’une jeunesse sans frontière. Elle choisit ses petites chaussures blanches, ballerines légères pour les danses urbaines. Elle les nomme « Mes Pumas ». Elle se love dans son chandail de fine étoffe rouge éclatant, trait d’union entre la fierté de ses jeunes seins et la force de ses vingt ans. Ses ancêtres Peules, bergers nomades des pays du Sahara, du Sénégal et du Mali lui ont offert son élégante silhouette, ses fines nattes noires ébène, sa peau ombre et soleil, et ses ancêtres occitans lui ont offert l’accent des beautés d’ici. Parisienne pour quelque temps elle est heureuse d’accueillir sa mère. Une grande dame dont la douceur de son visage dit son âge avancé et le regard reflète la sagesse de ceux qui savent tous les noms que les hommes donnent aux Dieux. Ce 8 mai 2010 la Nation a fêté comme chaque l’armistice. Flotte encore le jour suivant sous l’Arc de Triomphe, le drapeau tricolore pour une commémoration timide et discrète de l’abolition de l’esclavage. Laya et sa mère ne portent pas d’attention aux noms militaires des rue qu’elles viennent de traverser : Grande Armée, De Gaulle, Kléber, Foch, elles savent ce que sont les guerres et le colonialisme. Sur le trottoir un saltimbanque au nez rouge chante, moqueur « La paix c’est bon pour les mazettes, les mères, les femmes et les sœurs. Bougres d’andouilles que vous êtes. L’homme est né pour faire la guerre et ceux qui ne sont pas contents ont juste le droit de se taire à droite, alignement : Autant… » Un touriste cherche le bon angle pour une photo de l’Arc de triomphe, un autre met une pièce dans le chapeau de l’artiste. Les deux femmes se sourient. Laya, femme d’Afrique, femme d’ici, Beauté de l’humanité de tout temps métissée Laya, symbole de la République, Aux frontons des écoles et des mairies, Nous sculptons la Marianne d’aujourd’hui ! En première page du carnet de voyages est écrit de René Char : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ». |