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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 09:15

Soleil voilé, temps lourd. Sur la place, visages fermés, visages  aux yeux gonflés. Attente devant l’église, plaintes qui montent, regards recherchant des visages amicaux, une alliance dans le chagrin.

La foule qui se presse lentement dans les rangs  est venue accompagner F. dans son dernier voyage. L’attente se prolonge, on a bien le temps de partir quand c’est fini. La cérémonie sera douloureusement longue. Parfois, la voix de l’enfant se fait entendre, apportant une note de gaieté insolite dans cet océan de chagrin. Colère rentrée contre cet officiant qui en fait trop, il n’y a pas de place pour la douleur ni le doute  seulement pour la culpabilité. Je rêve où il a encore parlé de péché?

Un jeune homme  parle de  sa cousine vivante, il n’est  pas encore dans le passé, mais  dans le  manque de sa cousine, de la douleur de l’absence . Il rejoint l’enfant et l’accueille dans ses bras.

Douleur devant la douleur de la mère. Elle est là courbée, les épaules rentrées, et surtout le regard quêtant un appui,   pour s’épancher ? A travers cette posture vision fugitive de la mater dolorosa.

Attente renouvelée au cimetière, plus longue.  Peu d’échanges, peur des échanges, pleurer avec elle, parler de la menace du temps, ne pas nous impliquer.

Heureusement, l’organisation est là, nous rappelle  l’ordre des choses. L’orage qui menaçait depuis quelque temps, arrive brutalement avec une pluie torrentielle. En moins de cinq minutes, ceux qui étaient sous un parapluie ressemblent à ceux qui n’en n’ont pas. Je presse le pas, monte une pente entre les tombeaux, concession à perpétuité écrit sur la plupart.

Nous arrivons, inondés, et pieds boueux. Quelques personnes ont risqué les pieds nus et les cousines, madones  aux chevelures trempées grelottent de froid et de chagrin. Soudain, une musique au rythme ondulant et nostalgique s’élève. Les parents se pressent les uns contre les autres. La pluie qui s’abat sur les parapluies nous empêche d’entendre le texte écrit en soutien pour l’amie qui perd sa fille. Nous chantons « les gens qui doutent » tragiquement  adaptée à cette  réalité. M.P. chante avec nous, chanter  a l’air de la soutenir, de l’aider à rester debout. Pause fugace dans le chagrin.

Lente et dernière progression vers le tombeau. Longue file de personnes en pleurs. Hésitations, pourquoi nous infliger cela ?  Quel  soutien, nous sacrifions au rituel avec une rose furtivement lancée.

Descente des parapluies,  traversées des  ruisseaux qui dévalent les pentes du cimetière. Nous ne nous retournons pas.

Envie de partager ta douleur. Mais est ce un vrai partage ou celle d’une  mère qui pourrait être à ta place ?  Cette douleur là est indicible et ne peut s’alléger par le partage. S’appuyer sur quelqu’un-e nous aide à supporter la douleur. Elle est là, elle doit d’abord s’épanouir, monter en puissance, puis comme une vague, elle viendra se casser sur le bord de ton chagrin.


M.C.     

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commentaires

M
sister, j'ai pleuré en te lisant, tu es dans le vrai et le bon et le beau.Je t'embrasseMichèle
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C
Quelle vérité et quelle émotion tu nous fais partager là, Marie-Claude ! Tout est tellement proche de ce que l'on a pu déjà ressentir soi-même. Je t'embrasse, et à lundi.Clara
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